EE2 Le mot et le temps
Le vocabulaire d'une langue présente toujours une unité d'éléments stables et instables. L'apparition des mots nouveaux est imposée par le développement de la vie économique, politique et culturelle du peuple, par le progrès de la mentalité humaine. La disparition de certains objets, institutions, l'oubli de certaines coutumes amènent le dépérissement des mots existant dans la langue. Parfois les mots trop usés sont éliminés par des mots plus nouveaux.
Les néologismes (du grec neos 'nouveau' et logos 'notion', 'mot') ce sont des mots et expressions nouveaux apparaissant à la suite du développement de la science, de la culture, de la vie économique et politique du peuple. On appelle néologisme l'apparition d'un signifié nouveau
- soit par création ou emprunt d'un signifiant nouveau,
- soit par changement de sens ou de valeur morphologique d'un mot existant.
L'évolution de la société et des techniques imposent un apport incessant de mots ou de serts nouveaux. La néologie se fait par trois voies: lexicale, sémantique et phraséologique.
Les mots nouveaux remplacent les mots qui s'usent par le sens et par la forme. Parfois on crée un mot nouveau pour exprimer une notion ou un objet déjà existants avec plus d'exactitude ou de vivacité, ou bien pour trouver une forme plus courte et plus exprrssive.
La création des néologismes est un témoignage de la vitalité de la langue. La langue qui ne se renouvelle pas, s'appauvrit et ne peut plus exprimer toute la variété et toute la richesse des connaissances humaines, elle ne peut pas refléter le progrès de la civilisation.
Les mots nouveaux se créent d'après les modèles existant dans la langue, avec les radicaux et les éléments formatifs qui lui sont propres. Ainsi, le substantif routier est formé avec le radical nominal route et avec le suffixe d'agent -ier. Les néologismes de cette catégorie sont créés par dérivation affixale. Il y a aussi des néologismes formés par métaphore.
On distingue trois types essentiels de néologismes: les néologismes de mots (néologismes lexicaux), les néologismes de significations (néologismes sémantiques) et les néologismes phraséologiques.
Les néologismes lexicaux sont des acquisitions de mots nouveaux. Ce sont des mots tels que syndicaliste, gréviste, soviet, téléviseur, radio, spatial, alunissage, porte-avion parus à la suite du progrès de la vie politique, de la science, de la technique.
Parmi les néologismes du XIXe et du XXe siècles on trouve un groupe tout à fait à part, Ce sont des néologismes morphologiques: certains mots qui n'avaient pas de féminin ou ne s'employaient qu'au singulier, ont acquis ces formes. L'apparition de nombreuses professions féminines, inconnues autrefois, a conduit à accepter les néologismes tels que doctoresse, chirurgienne, autoresse, avocate, aviatrice, conseillère municipale, cosmonette, ingénieure, promotrice, rédactrice, technicienne, speakerine, téléspeakerine. On a créé aussi lauréate, championne, copine, pédaleuse, et d'autres. Les substantifs loisir et instance ont acquis le pluriel: avoir les loisirs, faire de vives instances.
Quelques mots savants nés par siglaison ont dû pourtant une grande fortune à la diffusion des techniques qu'ils désignent: radar (de radio détection and ranging, «détection et repérage par radio»), laser (light amplification by stimulated émission of radiations, «amplification de lumière par émission de radiations stimulée»).
• Néologismes de la presse:
Le mot enzyme était depuis le XIXe s. propriété privée des chimistes et des biologistes, et l'Académie des Sciences venait de lui attribuer le genre féminin lorsque, vers 1970, il est apparu, avec le genre masculin et l'épithète glouton.
Voici quelques échantillons de cette production collectés à la fin de 1979 (choix tiré d'une publication des «Amis du lexique français»):
américanade, n.f.: aventure américaine (France-Soir, 8-XI-79). antho, n.f.: réduction d'anthologie (Libération, 31-VII-79). barriquette, n.f.: récipient contenant 5 I de vin (Le Point 1-X-79).
beaubourgite, n.f. : engouement pour le Centre Pompidou (France-Soir 31-XII-79).
bitume (racler le), loc. verb.: prendre le maximum de risques dans un virage (France-Soir Dimanche, 28-X-79).
bluesy, adj.: du style des "blues" (France-Soir, 17-X-79).
bocal, n.m.: "cabine circulaire vitrée abritant le commentateur des courses de chevaux" (André Théron à la TV le 23-XII-79).
branchant adj. : intéressant, captivant (Radio RTL).
briefer (se) sur une question, v. pron.: organiser une séance d'information sur un sujet (Le Monde, 3-XI-79).
cargolade, n.f.: grillade d'escargots (Le Monde, 1-XII-79).
chaussette à spi. loc. f.: étui dans lequel est logé le spinnaker (E. Tabarly dans l'Equipe, 24-IX-79).
chefs (petits), n.m.pl.: les agents de maîtrise (Le Matin, 26-IX-79).
chocolat, n.m.: «tuyau» de première qualité pour les turfistes (Supplément au Journal du dimanche, 7-X-79).
cibiste, n.m. : radio-amateur utilisant la bande radio de 27 MHZ appelée aussi Citizen band (Le Monde, 31-X-79).
claquette, n.f.: petite tape donnée sur un ballon avec la main (Journal du dimanche, 2-XII-79).
etc.
Cette avalanche quotidienne de «mots sauvages» a besoin d'être endiguée et filtrée, fonction remplie par des grammairiens qui, dans les mêmes journaux, consacrent des rubriques à l'épuration de la langue. Des sociétés s'y emploient aussi.
On distingue encore les néologismes linguistiques et les néologismes littéraires (ou stylistiques), créations individuelles des écrivains.
Néologismes littéraires:
On ne peut contester aux écrivains, à qui la langue est redevable d'une grande partie de son renom, le droit de former des mots. Beaucoup le prennent et certains y ajoutent celui de les déformer. Voici quelques formations:
surdécoré (Alexandre Arnoux)
se plénifier, éiusion, sédulosité (Paul Claudel)
vagueur (Marcel Aymé)
frissoulis, le cœur me dote (Biaise Cendrars)
dépantiniser, touchatouisme (Jean Cocteau)
édiliauement. sentenciel
A côté des néologismes il y a des mots tombant dans l'oubli, en désuétude.
Ce sont des archaïsmes qui ne s'emploient plus. Parmi les archaïsmes on distingue, selon les causes de leur disparition, deux groupes essentiels.
Les faits qui provoquent la perte des mots sont divers. Il y a des mots qui disparaissent parce que les choses, les notions qu'ils expriment, n'existent plus. Ces mots vieillis sont des historismes ou des mots historiques. Ce sont: trouvère, escarcelle, palefrenier, pourpoint, crinoline, smoking. Mais il arrive aussi que la notion, l'idée, demeurent alors que les mots qui les désignent s'éliminent. Par exemple, goupil est remplacé par renard, gré — par volonté.
Les archaïsmes se subdivisent en archaïsmes lexicaux et en archaïsmes sémantiques. Les archaïsmes lexicaux sont des mots vieillis supplantés dans leur emploi par des mots nouveaux (gré par volonté). Les archaïsmes sémantiques sont des acceptions vieillies des mots polysémantiques qui demeurent dans le langage.
Bibliographie
1. Лопатникова, Н.Н. Лексикология современного французского языка / Н.Н. Лопатникова, Мовшович Н.А. – М., 1982.
2. Супрун, А.Е. Методы изучения лексики / А.Е. Супрун. – Мн., 1975.
3. Лингвистический энциклопедический словарь. – М., 1990.
4. Lévite, Z.N. Cours de lexicologie française. Z.N. Lévite. – Minsk, 1963.
5. Goosse, A. La néologie française aujourd’hui. Observations et réflexions / A. Goosse. – P., 1975.
6. Guilbert, L. La créativité lexicale / L. Guilbert. – P., 1975.