Chez le principal
^ Вверх

Chez le principal

 

Monsieur Cornue, préparateur en sciences naturelles, a été retrouvé assommé dans la salle 20 du collège Chateaubriand. Monsieur Courtejambe, le Principal, convoque alors plusieurs élèves parmi lesquels figurent Rémi Pharamon, le narrateur, pensionnaire en 4 ème et peu brilllant, et Pierre-Paul de Culbert, dit "PPCul-vert", un excellent élève.

– Entrez, M. De Culbert, fit le Principal, ravi de la stupeur qu’il lisait sur nos visages. En un sens, moi, ça me rassurait. P.P. est un ami, d’un genre plutôt insupportable, mais mon voisin de dortoir, sur lequel on peut compter de temps en temps.

– Répétez à vos camarades, M. De Culbert, ce que vous m’avez raconté ici même. P.P. s’inclina et fit ce petit raclement de gorge caractéristique qui précède toujours chez lui les récitations de leçon. Il avait la tête entourée d’un bandage, sans doute à cause de ses dents, qui le faisait ressembler à un oeuf de Pâques à lunettes.

– A votre disposition, monsieur le Principal… Comme j’ai déjà eu l’honneur de vous le dire, je me trouvais donc, cette nuit, dans la petite chambre sise sous les combles que nous appelons dans notre sabir " la morgue", mais qui est mieux connue de vos services sous celui "d’infirmerie". Comme vous le confirmera la diligente Mme Taillefer, j’y étais retenu par une affection bénigne, quoique douloureuse, scientifiquement répertoriée sous l’appellation peu euphonique d’odontalgie. Une rage de dents, en quelque sorte… Ma soeur elle-même, Rose-Lise de Culbert, est sujette à des crises fréquentes, et … 

– Je doute que votre soeur ait une quelconque relation avec l’affaire qui nous occupe, jeune homme, l’interrompit le Principal. Au fait, s’il vous plaît.

– Hmm! Hmm! toussota P.P., un peu vexé. Je disais donc que, cette nuit-là, la nuit du drame, si j’ose m’exprimer ainsi, je fus éveillé plusieurs fois par de vives douleurs émanant de ma gencive droite et diffuant ensuite dans toute la mâchoire….Je ne suis pas douillet, mais passons… A l’occasion d’une de ces crises, peu après six heures, je me mis à la fenêtre, dans l’espoir de me distraire de la douleur dans le spectacle, ô combien exaltant, du jour naissant…

– Et qu’avez-vous vu? s’impatienta le Principal.

– Une ombre, monsieur. Ou plutôt, une forme, une silhouette furtive se coulant tel un spectre dans les lueurs livides de l’aube!

– Et cette forme, ce spectre ou tout ce que vous voudrez, pourriezvous l’identifier?

– Oui, monsiur le Principal.

Tout le monde retint son souffle.

– Pouvez-vous affirmer qu’il se trouve ici, parmi nous?

– Oui, monsieur le Principal.

– Et pourriez-vous le reconnaître?

– Oui, monsieur le Principal.

L’excessive politesse de P.P. semblait exaspérer M. Courtejambe. Poussant un énorme soupir, il dit:

– Eh bien! de Culbert, je vous demande, dans l’intérêt de l’équité et de la justice, de désigner le coupable.

P.P. n’hésita pas. Levant le bras comme on vise au revolver, il dit d’une voix assurée:

– C’est lui!

J’aurais pu être foudroyé sur place que le choc n’aurait pas été plus rude. L’index brandi, c’était moi que P.P. désignait!

Jean-Philippe Arrou-Vignod. Enquête au collège.

 

Devoir:

1. P.P. Cul-vert est-il entendu comme témoin ou come suspect par le Principal? Justifiez votre réponse en citant une phrase du texte.

2. Quels sont les deux principaux sujets abordés par P.P. dans son récit?

3. Rémi Pharamon estime que P.P. est un ami "d’un genre plutôt insupportable ": à vos yeux, quels sont les différents détails qui confirmeraient ce jugement?

4. Parmi les adjectifs suivants, quels sont ceux susceptibles de qualifier P.P.: maniéré, naturel, simple, artificiel, fier? Justifiez vos choix en citant le texte.

5. Même Monsieur Courtejambe trouve que P.P. est d’une "excessive politesse": citez des exemples qui le montrent.

6. A quelle comparaison l’auteur a-t-il recours pour faire éprouver au lecteur ce que ressent Rémi Pharamon lorsqu’il est désigné par P.P.?

7. Quelle impression vous donnent les termes employés par P.P. lors de son exposé des faits?