Les dictionnaires
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EE1 Les dictionnaires

 

La théorie lexicographique n'apparaît comme science qu'au XXe siècle.

La lexicographie c'est une science qui traite des principes de la composition des   dictionnaires.

L'activité féconde de nombreux lexicographes du monde entier a permis de créer plusieurs types de dictionnaires.

Les dictionnaires unilingues ne comportent pas de traduction et donnent l'explication du sens d'un mot à l'aide d'un autre mot ou expression de la même langue. Ils sont destinés à l'usage des personnes pratiquant la langue et ayant besoin de préciser soit l'acception d'un mot, soit son aire d'emploi, son étymologie.

Les dictionnaires bilingues donnent la traduction des mots d'une langue inconnue par les mots d'une langue connue et vice versa. Ils sont destinés à l'usage des étrangers.

Des dictionnaires du grand siècle, pour la plupart des in folio, volumineux fleurant bon le vieux papier et le cuir, aux dictionnaires de la fin du XXe siècle et du XXIe siècle, de plus en plus souvent offerts sur supports électroniques, c'est-à-dire sur «disques optiques compacts» plus couramment appelés «cédéroms» (graphie prônée par l'Académie française), nous sommes indéniablement confrontés à la sensible évolution de fond et de forme d'un même produit, à la fois hautement symbolique et essentiellement pragmatique. S'il y a en moyenne, selon les statistiques, plus d'un dictionnaire par foyer, et si les dictionnaires font en quelque sorte partie du mobilier et du patrimoine, il n'en reste pas moins qu'ils restent très mal connus et dans leur diversité et dans leur histoire.

 

L'Antiquité et le Moyen Âge: la génèse des dictionnaires

Qui a inventé les dictionnaires et quand? Il serait en fait incongru de n'apporter qu'une seule réponse à pareille question... Faut-il par exemple considérer que la pierre de Rosette découverte lors de la campagne d'Égypte de Bonaparte constitue la première trace d'un dictionnaire plurilingue?

Sur ladite pierre figuraient en effet les mêmes informations transcrites en trois codes différents, les hiéroglyphes, le démotique et le grec. Mais si la confrontation des hiéroglyphes a permis en 1822 à Champollion de percer leur mystère, il ne serait pas très convaincant d'assimiler cette trace de plurilinguisme à un dictionnaire trilingue. Pas plus que de mentionner l'existence de dictionnaires chez les Grecs en évoquant les recueils de mots rares appartenant à un dialecte ou à un écrivain, par exemple Homère. En vérité, les conditions ne sont pas remplies pour faire aboutir le genre lexicographique. Même si le dictionnaire monolingue va prendre souche dans les répertoires plurilingues, qu'il s'agisse de l'Antiquité ou du Moyen Âge, les mots sont encore prisonniers des conceptions métaphysiques: on ne s'intéresse pas pleinement au langage pour lui-même mais à son essence divine. Ainsi, les Sommes du Moyen Âge, correspondent à des résumés des connaissances de l'époque – par exemple la Summa theologica de saint Thomas d'Aquin (1225 – 1273) – mais ne décrivent pas les mots. Y sont seulement transmis les concepts et les savoirs de l'époque, fortement teintés d'interprétation métaphysique. Les Étymologies (Etymologiae) d'Isidore de Séville (570 – 636), l'un des ouvrages fondateurs de la pensée médiévale, restent en réalité totalement imprégnées d'une pensée religieuse qui ne laisse presque aucune place aux considérations sur la langue.

 

Du Moyen Âge à la Renaissance: des gloses aux dictionnaires bilingues

Le dictionnaire est un outil destiné à résoudre les questions que l'on se pose sur les mots, il représente d'une certaine manière notre premier outil didactique. Il ne serait pas totalement faux d'affirmer qu'il est né des difficultés rencontrées par les élèves. En effet, les gloses – c'est-à-dire les remarques explicatives ajoutées brièvement en marge ou entre les lignes, destinées à commenter dans les ouvrages de grammaire latine ou d'enseignement du latin les passages difficiles – sont instaurées pour aider les clercs qui ne maîtrisent pas parfaitement le latin. Lorsque les gloses sont regroupées, on aboutit à un glossaire, le plus célèbre étant celui de Reichenau (VIIIe siècle) qui rassemblait un peu plus d'un millier de mots difficiles d'une vulgate de la Bible, avec leur traduction en un latin plus facile ou en langue romane. Le dictionnaire bilingue, et à terme le dictionnaire monolingue, sont déjà là en germes. En vérité, traduire puis expliquer en ajoutant un commentaire lorsque la traduction se révèle insuffisante, c'est déjà forger les premières définitions.

Avec la Renaissance et le goût des voyages formateurs au sein de l'Europe naissent des dictionnaires plurilingues, le plus célèbre d'entre eux restant sans aucun doute le Dictionarum ou Dictionnaire polyglotte de l'érudit italien Ambrogio Calepin (v. 1440 – 1510). Cet ouvrage d'abord consacré en 1502 aux seules langues latine, italienne et française comptera dans ses dernières éditions plus de dix langues mises en parallèle. On désignait déjà ce type d'ouvrage par le nom de son auteur, le Calepin, comme plus tard le Littré, le Larousse, le Robert.

Mais dès le XVIIe siècle, le «calepin» s'assimile à un recueil de notes pour bientôt devenir le «petit carnet» glissé dans une poche, singulière réduction de l'in-folio originel. Au XVIe siècle, la langue française est encore une langue fluente, elle reste très mouvante, même si les poètes de la Pléiade, Du Bellay en tête, s'emploient à la valoriser et à lui donner un statut littéraire indiscutable avec, notamment, la Défense et illustration de la langue française publiée en 1549.

Dix ans auparavant, François 1er avait imposé par l'édit de Villers-Cotterêts la langue française, celle du Nord, comme langue administrative, le latin n'était plus dès lors la langue écrite prépondérante. Et les langues d'oc perdaient par là même toute légitimité. Paraissait à la même date, 1539, le tout premier dictionnaire où les mots français venaient en premier dans la nomenclature, avec leur traduction en latin suivie parfois de quelques explications en français: le Dictionnaire françois-latin contenant les motz et manieres de parler françois tournez en latin.

 

Robert Estienne.

En 1531, l'imprimeur érudit avait publié le Dictionarium seu Linguae latinae thesaurus, dictionnaire latin-français, et il eut l'idée en 1539 de l'inverser, en présentant en premier les mots français. Le premier dictionnaire français, ou plus précisément français-latin, était né, le processus conduisant au dictionnaire monolingue français-français était amorcé. Pour l'heure, le mot français est suivi du mot latin, auquel s'ajoute parfois des explications en français, mais il suffira de faire disparaître le latin en ne gardant que les mots français pour bénéficier d'un dictionnaire de mots français suivis de définitions dans la même langue. Jean Nicot (1530 – 1600) participera à la réédition de ce dictionnaire en 1573, puis sera publié à titre posthume, en 1606, le Thresor de la langue françoise tant ancienne que moderne (1 vol., in-folio), une reprise améliorée du dictionnaire de Robert Estienne, offrant une plus grande place aux définitions. Qu'un dictionnaire nouveau s'inspire plus ou moins largement des précédents, voilà qui est une constante inévitable dans ce genre «littéraire». À y bien réfléchir, on pourrait d'ailleurs s'interroger sur l'avantage qu'il y a à transformer une définition parfaite pour éviter l'accusation de plagiat. La langue n'appartient à personne, mais cependant une définition de dictionnaire reste la propriété de l'éditeur. Il faudrait pouvoir citer la définition du concurrent...

Le XVIIe siècle: le grand siècle et la naissance d'une trinité lexicographique. Le grand siècle est celui des monarques absolus, et avec eux de la codification et de la régulation. Henri IV, Louis XIII et Louis XIV vont chacun à leur manière servir la langue française et l'instituer comme une grande langue internationale. Le bon roi Henri IV, sans le vouloir, incitera les «précieux» à se réunir dans des salons éloignés de la cour, trop rustre à leur goût, mais ce faisant, même si l'on a surtout retenu le ridicule des périphrases (les «belles mouvantes», les «chers souffrants»... pour les pieds et les mains), ces derniers ainsi que Malherbe vont affiner la langue, l'épurer, peut-être trop prétendront d'aucuns. Sous Louis XIII, Richelieu fondera en 1635 l'Académie française, et Louis XIV rassemblera autour de lui, à Versailles, les écrivains qui poliront la langue et lui donneront cette tonalité classique et ce prestige littéraire international. Après le foisonnement lexical de la Renaissance, le Grand siècle représente une période de remise en ordre : Malherbe, au nom de la pureté, Vaugelas, au nom de l'usage, se chargent de normaliser la langue, avec l'aval du public. Constatons au passage que lorsqu'un pays bénéficie d'une langue et d'un gouvernement forts, apparaissent généralement des répertoires monolingues qui donnent aux mots du code linguistique national leur sens précis, ce qui renforce la validité des textes officiels. Au public de Corneille, Racine, Molière, aux contemporains instruits, bourgeois et nobles, correspondent à la fin du siècle trois dictionnaires de facture différente qui marquent la réelle naissance de la lexicographie de haute qualité: le dictionnaire de Richelet en 1680, celui de Furetière en 1690, et celui de l'Académie en 1694. Tout d'abord, Pierre Richelet (1631 – 1694) publie en 1680 le premier dictionnaire monolingue de langue française, le Dictionnaire français contenant les mots et les choses, dictionnaire destiné à «l'honnête homme». Il y définit les mots en homme de goût et de raison, volontiers puriste. Il s'agit d'un dictionnaire descriptif du bel usage, avec des exemples choisis dans l'œuvre de Boileau, Molière, Pascal, Vaugelas, sans oublier les collaborateurs de Richelet, Patin et Bouhours qui n'hésitent pas à se citer, un bon moyen de passer à la postérité... Ce dictionnaire préfigure l'ouvrage de Littré et de Paul Robert: le grand dictionnaire de langue s'appuyant sur des citations d'auteurs est né. Ensuite Antoine Furetière (1620 – 1688), esprit vif et volontiers railleur, est l'auteur du Dictionnaire Universel, contenant généralement tous les mots françois tant vieux que modernes et les termes de toutes les Sciences et des Arts .; in-folio). Ce n'est plus cette fois-ci le «bon usage» qui est mis en relief mais, comme il est annoncé dans la préface, «une infinité de choses». Les traits d'Histoire, les curiosités de «l'histoire naturelle, de la physique expérimentale et de la pratique des Arts» l'emportent sur la citation des bons auteurs. Furetière préfigure Pierre Larousse et le dictionnaire encyclopédique, ce dernier étant davantage centré sur les idées et les choses décrites par les mots que sur l'usage du mot dans la langue. Enfin, paraît en 1694 la première édition du Dictionnaire de l'Académie française se trouve ainsi accomplie l'une des tâches que s'était fixée l'Académie dès 1635 sous l'œil attentif de Richelieu. Ce dernier souhaitait vivement en effet que la France se dotât d'un dictionnaire à l'image de celui de l'Académie della Crusca fondée à Florence, dictionnaire illustrant la langue italienne dans une première édition en 1612 et une seconde en 1623. Certes, la publication du dictionnaire de l'Académie, fort attendue, était bien tardive, mais à tout prendre, ce fut une chance pour la lexicographie, puisque le monopole du dictionnaire de l'Académie n'avait pu être conservé. En effet, publiés à Genève et en Hollande, mais destinés à tous les usagers de la langue française, les dictionnaires de Richelet et de Furetière avaient déjà eu l'heur de plaire au Roi. Une saine concurrence était désormais installée. Le dictionnaire de l'Académie avait pâti, d'une part, de la mort en 1653 de son rédacteur talentueux, Vaugelas, et, d'autre part, d'un changement d'état de langue après ce premier élan, une reprise s'était donc révélée nécessaire à la fin du XVIIe siècle. Sans oublier le conflit qui opposa Furetière, académicien accusé d'avoir plagié le dictionnaire de l'Académie pour alimenter son propre dictionnaire. S'il est vrai que la formule initiale du dictionnaire de Furetière ne devait comprendre que des mots scientifiques, techniques, et que d'une certaine façon, en y introduisant les mots d'usage courant, il «doublait» l'Académie, la teneur même de ces articles était cependant bien différente. La première édition du dictionnaire de l'Académie n'eut pas le succès escompté parce que les mots y étaient regroupés en fonction des racines, et le public n'appréciait guère ce classement qui rassemblait des mots comme dette, débiter, redevance sous l'entrée devoir. Cela étant, c'était une initiative pertinente sur le plan linguistique, trois siècles plus tard tous les linguistes salueraient Josette Rey-Debove pour avoir élaboré le Dictionnaire méthodique (1982) dans une dynamique analogue. Disons-le tout de suite, si le premier dictionnaire de l'Académie n'était pas parfait et si l'ordre alphabétique redevint la règle dès la seconde édition, en 1718, l'Académie a fait d'excellents dictionnaires, et on peut citer entre autres éditions la quatrième (1762), la sixième (1835) et sans aucun doute la neuvième en cours (1992). Le dictionnaire de l'Académie, par le choix d'une description de l'usage contemporain et par le refus des citations au profit de l'élaboration d'exemples, se révélait en fait moderne avant la lettre, presque saussurien, et préfigurait le Dictionnaire français contemporain de 1967 ou le Micro-Robert. Concernant l'aventure exceptionnelle à l'échelle internationale des dictionnaires de l'Académie française, un ouvrage est paru en 1997 aux éditions Champion Slatkine, dirigé par Bernard Quemada et intitulé Les Préfaces du Dictionnaire de l'Académie française (1694 – 1992). On y redécouvre combien l'Académie, en gardant les mêmes critères – la description de l'usage en synchronie et une nomenclature n'englobant pas les vocabulaires techniques – a su rendre compte de l'évolution de la langue et des débats linguistiques qui ont jalonné l'histoire de la langue et des pratiques lexicographiques. De quoi ne pas céder à la tentation facile d'une critique systématique d'un dictionnaire qui, en définitive, est conçu sans souci de commercialisation, de manière désintéressée, par une assemblée représentative et éclectique élue. Faut-il signaler qu'il est parfois fait appel au vote des académiciens pour se prononcer sur tel ou tel choix lexicographique ou pour revoir la copie qui ne donne pas complète satisfaction? La procédure ne manque pas de panache et relève d'une symbolique toute démocratique qui inspire le respect. On ne s'étonnera donc pas qu'un très grand projet d'informatisation des différentes éditions du Dictionnaire de l'Académie française soit en cours; celui-ci, dirigé par Isabelle Leroy-Turcan (Université de Lyon II) et Terence Russon Wooldridge (Université de Toronto), avec déjà un site informatique, permettra en effet de mieux étudier et de mieux suivre l'évolution de la langue française d'édition en édition, à la plus grande satisfaction des historiens, des linguistes et de tous ceux que l'histoire de notre langue passionne.

Avec la parution fondatrice du Richelet, du Furetière et de la première édition du Dictionnaire de l'Académie, pouvait de fait commencer la grande aventure lexicographique et dictionnairique française.

Le XVIIIe siècle: le siècle de l'encyclopédie. La première tâche des lexicographes du XVIIIe siècle fut d'abord de perfectionner les ouvrages existants. En particulier, revint aux Jésuites de Trévoux le mérite de poursuivre la tâche entreprise par Furetière; en effet dès 1704, les Pères Jésuites de cette petite ville située sur la Saône dans les Dombes publièrent un dictionnaire encyclopédique, le Dictionnaire Universel françois et latin, en enrichissant et en corrigeant idéologiquement la seconde édition du dictionnaire de Furetière, qui avait été reprise en 1702 par le protestant Basnage de Beauval, ce qui n'était évidemment pas du goût des Pères Jésuites. Ce furent d'abord trois volumes in-folio qui furent offerts en 1704, puis cinq en 1732, et huit en 1771. Fournir une information soutenue et combattre un certain nombre d'idées, tel était l'objectif. Et sur ce dernier point les Jésuites avaient fort à faire, puisque les jansénistes d'abord, les philosophes ensuite, leur portaient de rudes coups. Par ailleurs, les différents dictionnaires de l'Académie apportaient leur lot de réformes utiles, simplifiant l'orthographe, en particulier dans la troisième édition (1740) avec l'Abbé d'Olivet. Il faut enfin signaler à la veille de la Révolution, en 1788, la publication du Dictionaire critique de la langue française, avec un seul n, de l'Abbé Féraud, ouvrage qui connut peu de succès mais qui présente sans doute l'image la plus intéressante de la langue du moment, avec des points de vue critiques et la mention de la prononciation. Ce dictionnaire qui a influencé les lexicographes du XIXe siècle méritait bien la réédition qui vient d'en être faite depuis peu par les Presses de l'École Normale supérieure, sous la direction de Philippe Caron. Et, c'est le sort heureux des ouvrages majeurs, il fait actuellement l'objet d'une informatisation pour être sans doute bientôt publié sur cédérom. Cependant, l'œuvre indissociable du XVIIIe siècle et la plus novatrice reste bien l'Encyclopédie ou le Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers (35 vol. in-folio, en 1777) de Diderot et D'Alembert. Lorsque l'éditeur Le Breton s'adresse à Diderot pour traduire la Cyclopedia d'Ephraïm Chambers, franc succès outre-Manche, on est encore loin d'imaginer le succès prodigieux de l'entreprise qui, sous l'impulsion de Diderot, alors peu connu, et de D'Alembert, déjà élu à 24 ans à l'Académie des sciences, prendra rapidement une complète autonomie par rapport aux deux volumes de Chambers. Qu'on en juge sur pièces : trente ans plus tard, en 1777, ce sont trente-cinq volumes dont dix-sept de textes, cinq de suppléments, deux de Tables analytiques et onze de planches qui sont offerts aux lecteurs. Au-delà de la somme considérable de renseignements apportés, l'Encyclopédie constituait un support privilégié pour diffuser les points de vue des philosophes, et elle eut comme chacun sait une influence très sensible sur les contemporains.

Par ses longs développements sur les questions scientifiques, sur les machines et les techniques, l'Encyclopédie s'avère pleinement représentative du Siècle des lumières. Elle fut également, avant 1789, l'affaire la plus lucrative de l'édition. Si l'on en croit Voltaire, elle fit vivre pendant plus de vingt-cinq ans plus de mille ouvriers, papetiers, imprimeurs, relieurs et graveurs. L'Encyclopédie, de par sa conception, est par ailleurs à l'origine de nos modernes encyclopédies. Si le dictionnaire de langue privilégie la description de l'usage du mot dans la langue, et le dictionnaire encyclopédique la description de la chose ou de l'idée représentées par le mot, l'encyclopédie n'enregistre pas vraiment des mots mais des thèmes, l'objectif étant d'offrir de pertinentes synthèses sur les connaissances acquises. Par exemple, si le mot «escargot» est nécessairement mentionné dans la nomenclature d'un dictionnaire de langue ou d'un dictionnaire encyclopédique, avec un article lui faisant suite, une encyclopédie peut très bien ne pas y faire correspondre un article, mais renvoyer au mot «gastéropode» où il sera question entre autres de l'escargot. La première moitié du XIXe siècle: les accumulateurs de mots. La Révolution française ne fut pas seulement politique, elle fut aussi linguistique. À la société née de la Révolution a correspondu en effet un lexique plus large. Au-delà des mots issus des diverses réformes, par exemple celle du système métrique, des mots nouveaux se répandirent dans le commerce. Les anglicismes commencèrent à s'incruster dans notre langue, en particulier dans les domaines techniques où l'Angleterre disposait d'une révolution industrielle d'avance. Par ailleurs, la vague montante des romantiques fit déferler dans la littérature un vocabulaire abondant et coloré. Le mélange des mots de basse ou noble extraction, archaïques, classiques ou nouveaux, n'est plus un obstacle: les barrières volent en éclats sous la poussée de ces écrivains chevelus qui rompent avec la tradition. Et nécessairement, ce sang neuf allait générer un nouveau mouvement lexicographique. De cette période de création lexicale, nous retiendrons notamment quelques dictionnaires réputés pour constituer avant tout des «accumulateurs» de mots, c'est-à-dire que, négligeant plus ou moins la définition et la précision dans l'information, ils se caractérisent d'abord par des nomenclatures pléthoriques.

L'ouvrage de Boiste en 1800, Le Dictionnaire Universel de la langue française, repris en 1829 avec le sous-titre de Pan-lexique par Charles Nodier, celui de Napoléon Landais en 1834, et enfin celui de Bescherelle en 1845, illustrent tout à fait cette tendance à ouvrir les nomenclatures au plus grand nombre de mots, sans pour autant être très pertinents quant aux définitions.

Les titres sont d'ailleurs révélateurs d'une surenchère qui se situe davantage sur la quantité que sur la qualité. Napoléon Landais intitule sans hésiter son ouvrage Dictionnaire général et grammatical des dictionnaires; quant à L. N. Bescherelle, il choisit d'appeler le sien tout simplement Dictionnaire national ou Grand Dictionnaire critique de la langue française embrassant avec l'universalité des mots français l'universalité des connaissances humaines, donnant ainsi d'emblée à son ouvrage le statut d'un véritable monument. Toute différente est cependant la sixième édition du Dictionnaire de l'Académie, remarquablement préfacée par A. F. Villemain, à l'époque la plus haute autorité universitaire et académique de France. La cinquième édition (1798) à laquelle D'Alembert et Marmontel avaient beaucoup contribué, n'avait pas été reconnue par l'Académie, l'Académie ayant été supprimée en 1793 et l'ouvrage publié sans son aval avec un «discours préliminaire» de tonalité révolutionnaire, et surtout un Supplément consacré aux «mots de la révolution», 300 environ répartis sur 12 pages. La sixième emporte au contraire unanimement l'adhésion, éclipsant même aux yeux des la septième édition, harmonieuse et accueillante pour les mots nouveaux, publiée en 1878 sous la responsabilité de Silvestre de Sacy.

La seconde moitié du XIXe siècle: la linguistique historique Littré (1801 – 1881) et Larousse (1817 – 1875).

Dès 1804, avec entre autres les publications de Franz Bopp, commençait l'aventure de la linguistique historique qui rapprochait les langues européennes du sanscrit, d'où la découverte progressive de la famille des langues indo-européennes, expliquant les parentés entre des langues apparemment aussi éloignées que le latin, l'allemand et le grec. Mais c'est surtout au cours de la seconde moitié du XIXe siècle que s'installent en France les recherches étymologiques avec l'établissement des règles de phonétique historique. Ajoutons à cela l'influence décisive d'Auguste Comte qui publie entre 1830 et 1842 le Cours de philosophie positive. Fondée sur l'observation, l'étude positive des faits, et donc implicitement sur la recherche des causes historiques, cette philosophie s'adaptait parfaitement aux aspirations d'une nouvelle génération désormais plus sensible aux réalités scientifiques qu'aux rêveries enthousiastes. Larousse et Littré en seront de fervents adeptes, et tous deux s'inscrivent sans hésiter dans le courant de la linguistique historique et comparative. Littré naquit le 1er février 1801 à Paris, avec pour premier prénom Maximilien, prénom donné par son père en souvenir de Robespierre l'Incorruptible... L'enfant prometteur, entre une mère protestante et un père disciple de Voltaire, ne fut point baptisé, ce qui fit couler beaucoup d'encre lorsqu'il devint célèbre. Brillant élève, il se destine à la médecine, mais le médecin se métamorphose petit à petit en érudit en publiant notamment une traduction critique des œuvres d'Hippocrate. En 1840 lui est alors proposée une chaire d'Histoire médicale qu'il refuse, ne souhaitant guère le contact avec le public. Émile Littré avait formé le projet dès 1841 de rédiger un dictionnaire étymologique qui serait publié chez son camarade de classe, Christophe Hachette, déjà devenu un éditeur éclairé. En fait, ce premier projet n'aboutira pas, il faut attendre 1859 pour que les premiers textes du Dictionnaire de la langue française soient remis à Hachette, et 1872 pour que ce dictionnaire en quatre volumes qui fait une large part à l'histoire du mot soit achevé. Un Supplément publié en 1877 couronne l'ensemble. Le dictionnaire de la langue française eut un franc succès auprès du public cultivé qui trouvait dans cet ouvrage une somme d'informations jusque-là inégalée quant à l'étymologie et à la filiation historique des sens d'un mot, le tout cautionné par de grands auteurs. Aussi prit-on rapidement l'habitude d'évoquer «le Littré» avec déférence, comme une autorité; il devint même l'instrument indispensable de toute recherche sérieuse en langue française. Son prestige ne diminua guère au fil des années, ainsi, jusqu'à la publication du Dictionnaire de Paul Robert, presque un siècle après, Littré fut le plus souvent considéré comme la seule véritable référence des lettrés. Alain Rey, dans un ouvrage explicite sur le lexicographe et son œuvre, met éloquemment en relief comment s'est installée la notoriété d'un dictionnaire qui, n'étant plus réédité, est devenu tout au long de la première moitié du XIXe siècle un ouvrage mythique. En fait, le dictionnaire de Littré était fondé sur l'idée darwinienne que la langue est un organisme qui connaît d'abord une croissance, et qui, en atteignant son apogée, commence à décliner. Pour Littré, comme pour nombre de linguistes de la fin du XIXe siècle, l'apogée se situait au XVIIe siècle. Aussi, son dictionnaire enregistre-t-il principalement la langue française comprise entre le XVIIe siècle et le début du XIXe. Les citations présentées ne sont jamais postérieures à 1830. É. Zola et la majeure partie de l'œuvre de V. Hugo n'y figurent pas. Ajoutons à cet handicap que la conception des articles, avec parfois 40 sens qui se succèdent selon une filiation que Littré souhaite avant tout historique, positiviste, est loin d'être clarificatrice. Il n'en reste pas moins que l'ouvrage reste jusqu'à celui de Paul Robert d'une richesse foisonnante et méritait pleinement toute sa notoriété.

Pierre Larousse est né en 1817 dans le village de Toucy en Bourgogne où il est élevé entre la forge de son père et l'auberge tenue par sa mère. Son appétit de savoir et sa boulimie de lecture lui ouvrent sans tarder les portes de l'École normale de Versailles. Après un rapide retour au village natal, où il exerce en tant qu'instituteur et directeur de l'école dont il avait été l'élève, il repart à Paris où il mange «la soupe à l'oignon», selon son propre aveu et, surtout, fréquente avec ardeur les bibliothèques et les amphithéâtres. Il publie alors les premiers ouvrages destinés à l'enseignement de la langue, fondant en 1852 la librairie, la maison d'édition qui porte toujours son nom.

On retiendra qu'en 1856 paraît le Nouveau dictionnaire de la langue française, dictionnaire de petite taille et destiné notamment à un public scolaire, l'ouvrage connaît un succès considérable. Ce sera l'ancêtre lointain du Petit Larousse illustré dont la première édition est de 1906 et que l'on doit à ses successeurs. Mais ce petit dictionnaire de 714 pages, avec déjà les célèbres locutions latines, donne vite l'idée à P. Larousse d'une œuvre de plus grande envergure. C'est le moins que l'on puisse dire puisque, de 1865 à 1876, ce sont quinze gros volumes in-quarto, auxquels s'ajouteront à partir de 1878 deux suppléments, qui seront publiés sous le titre de Grand dictionnaire universel du XIXe siècle. P. Larousse, admirateur de Diderot, disciple de Proudhon et d'A. Comte, ambitionne en fait de donner à la France un nouveau monument encyclopédique, alliant la description de la langue et la diffusion des savoirs. Et ce sont pas moins de 20 000 pages en petites caractères sur quatre colonnes, presque sans aucune illustration, qui feront de ce dictionnaire une œuvre jamais refaite dans de telles proportions. Il faut en convenir, si l'on admire aujourd'hui l'ampleur extraordinaire d'une telle œuvre, en réalité, lorsque P. Larousse avait lancé son projet avec force battage, il fut pris par plus d'un, selon la formule d'un critique de la première heure, pour un «barnum littéraire».

On redécouvre aujourd'hui le caractère très riche de l'information et, au-delà de la nature encyclopédique de l'ensemble, la pertinence des informations apportées sur la langue. Celles-ci ont longtemps été occultées par l'hypertrophie de la seconde partie de chaque article, réservée aux aspects encyclopédiques, où alternent les informations les plus sérieuses et les anecdotes les plus étonnantes.

Larousse avait un objectif: diffuser la pensée républicaine propre à instaurer une société démocratique et laïque. Son dictionnaire, dont on pouvait par exemple commander une feuille, celle correspondant à l'article qui vous intéressait, eut pour public privilégié les instituteurs et toute une population modeste aspirant au savoir. Le Grand dictionnaire universel du XIXe s. de Larousse ne fit pas en réalité concurrence au Dictionnaire de la langue française de Littré, les publics différaient, et loin de mettre ces ouvrages dos à dos, il conviendrait plutôt de reconnaître à chacun une dimension hors du commun. Au point qu'il était presque impossible à d'autres lexicographes de s'imposer. Seuls Hatzfeld, professeur de rhétorique et remarquable logicien, et Darmesteter, philologue réputé, ont pu se distinguer avec le Dictionnaire général de la langue française du commencement du XVIIe à nos jours en deux volumes de dimension modeste mais de grande qualité, publiés respectivement en 1890 et 1900. Ce dictionnaire recueillit un succès certain auprès des étudiants et des élèves de classe préparatoire, d'une part grâce au classement rigoureux des définitions, et d'autre part grâce aux 300 pages préliminaires consacrées à un remarquable Tableau de la formation de la langue, ce dernier étant rédigé par Darmesteter.

Le XXe siècle: Les talentueux successeurs de P. Larousse Au Grand Dictionnaire Universel du XIXe siècle devait succéder en 1904 les sept volumes in-quarto du Nouveau Larousse illustré, dirigé par Claude Augé, qui fut très largement répandu, avec des planches illustrées en couleurs et de nombreuses illustration au cœur des articles. Version singulièrement amincie du prédécesseur en 17 volumes, il méritait sa notoriété de par son homogénéité et la fiabilité des informations apportées.

En 1910 paraissait le Larousse pour tous en deux volumes, intitulé ensuite Larousse Universel en 1923, et Nouveau Larousse Universel en 1948. Il devait donner naissance au Larousse en trois volumes, le L3. En 1933, était publié sous la direction de Paul Augé le dernier des six volumes du Larousse du XXe siècle (6vol. et un Supplément en 1953), ouvrage particulièrement riche en biographies.

Mais c'est en 1963 que, sous la direction de Jean Dubois et avec le concours du grand linguiste Claude Dubois, était achevé le Grand Larousse Encyclopédique en dix volumes, plus de 10 000 pages, 450 000 acceptions, 22 000 illustrations. Assurément, un dictionnaire de grande classe correspondant aux trente glorieuses: pas moins de 700 spécialistes y participaient en effet, répartis en treize grandes disciplines dirigées par des secrétaires de rédaction responsables de l'homogénéité de l'ensemble.

On est en fait ici à l'aube du travail structuré à l'aide de l'ordinateur, cet ouvrage représentait la dernière étape avant l'aventure informatique, celle correspondant à la mise en fiche la plus efficace possible. En 1985, dans la même dynamique était publié le Grand Dictionnaire Encyclopédique Larousse en dix volumes. Mais il s'agissait là de dictionnaires encyclopédiques, et si la description de la langue n'y était pas négligée, ces ouvrages privilégiaient naturellement l'information encyclopédique.

Les Éditions Larousse allaient donc également s'intéresser au dictionnaire de langue. Ainsi est publié en 1978 le Grand Larousse de la langue française, en 7 volumes, élaboré sous la direction de Louis Guilbert, R. Lagane, G. Niobey. Un dictionnaire Larousse sans illustration, uniquement consacré à la description des mots de notre langue, voilà qui rompait avec la tradition.

En fait, dès 1967, une première percée avait été faite avec le Dictionnaire français contemporain (le DFC) rédigé sous la direction de Jean Dubois, ouvrage en un volume, de format très réduit, avant tout destiné au public scolaire. Ce petit dictionnaire, en décrivant le français en synchronie, avec un dégroupement des articles, en fonction de la distribution des mots dans la langue (plusieurs articles pour le mot «classe» au lieu d'un seul avec de nombreux sens différents) avait fait l'effet d'une révolution lexicographique. Le Grand Larousse de la langue française s'inscrivait dans cette même perspective, moderniste, en ajoutant à la nomenclature des articles exclusivement consacrés à la linguistique. Hélas, ce bel outil élaboré avant l'informatisation, n'a pas eu la carrière qu'il méritait, il ne fut pas remis à jour. Paul Robert, Alain Rey et Josette Rey-Debove

Paul Robert est né en 1910 en Algérie, dans une famille aisée, et il entreprend des études de droit qui le conduiront jusqu'à une thèse soutenue à la fin de la guerre, en 1945. Rien ne le prédestinait à la lexicographie, mais son affectation pendant la guerre au service du décodage, où il participe à l'élaboration d'un dictionnaire du chiffre, son contact apprécié avec la langue anglaise, ses premiers essais à titre personnel de mise en analogie des mots anglais puis des mots français, l'entraînent peu à peu à transformer son loisir en activité dévorante, au point de bientôt recruter des auxiliaires sur sa fortune personnelle pour faire aboutir le dictionnaire dont il rêve. En 1950, il apprend que le premier fascicule de son dictionnaire obtient le prix Saintour de l'Académie française. Dès lors, il n'a de cesse d'achever l'œuvre commencée et, en 1952 et 1953, il recrute pour l'aider deux collaborateurs d'excellence, Alain Rey et Josette Rey-Debove. Le 28 juin 1964, il achève le sixième et dernier tome du Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française. Paul Robert offrait à la France un digne successeur du Littré avec des citations extraites d'un corpus littéraire plus récent, la Société qu'il avait fondée s'intitulait d'ailleurs la Société du Nouveau Littré. Quant au principe analogique qui était à l'origine du projet, s'il n'est pas négligeable, ce n'est pas lui qui déterminait le succès de l'entreprise, mais la qualité du travail définitoire. Les éditions Robert allaient s'installer dans le paysage lexicographique en s'illustrant par différents dictionnaires de grande qualité. En 1967, naissait d'abord le Petit Robert, le petit dictionnaire de langue manquant sur le marché et qui pouvait ainsi constituer le pendant du Petit Larousse illustré, dictionnaire encyclopédique. Après un Supplément (1971) ajouté au Dictionnaire alphabétique et analogique de Paul Robert, supplément qui installait A. Rey et J. Rey-Debove parmi les grands lexicographes connus, paraissait en 1985 le Grand Robert de la langue française dirigé par A. Rey. À la fin du siècle, marqué par l'informatique, sont diffusés, en 1994, le cédérom correspondant au Grand Robert et, deux ans plus tard, celui correspondant au Petit Robert, outil précieux permettant de nombreux croisements d'information avec, pour la première fois, des mots sonorisés, près de 9000. Enfin, signe patent d'une maison d'édition bien installée dans le paysage lexicographique, on assiste au cours de la dernière décennie du XXe siècle à la diversification des ouvrages en un ou deux volumes, qu'il s'agisse des dictionnaires pour enfants, des dictionnaires pour collégiens ou des dictionnaires de noms propres, sans oublier en 1992 le Dictionnaire historique de la langue française, synthèse des informations recueillies par les chercheurs de ce demi-siècle, et ouvrage qui renoue utilement avec un genre qu'avait tenté d'imposer l'Académie au XIXe siècle, sans succès. Outre leur compétence de lexicographe et de dictionnariste, Josette Rey-Debove et Alain Rey ont offert par ailleurs d'importants ouvrages théoriques sur la lexicologie et la lexicographie. Ils auront indéniablement marqué la seconde moitié du siècle.

Quillet, Flammarion et Hachette Aristide Quillet, tout comme Pierre Larousse, était un autodidacte, et tout naturellement sa production lexicographique s'orienta vers le dictionnaire encyclopédique. Il faut signaler notamment parmi les ouvrages qui seront issus de la maison d'édition qu'il a créée le Dictionnaire encyclopédique de 1950, en 5 volumes, auquel s'ajouteront deux Suppléments (1952, 1963). Raoul Mortier, qui dirige ce dictionnaire conçu à partir d'un nombre réduit de collaborateurs, des enseignants et des techniciens en particulier, choisit de donner à ce dictionnaire une tonalité didactique, avec de nombreux tableaux synoptiques et un soin tout particulier pour clarifier les informations encyclopédiques. Depuis 1940 et réédité plusieurs fois, avec 40 000 mots dans sa première édition, le Quillet de la langue française représente, avant le Lexis de 1979 (Larousse), le premier dictionnaire de langue à présenter des illustrations.

C'est tardivement que les éditions Hachette, à qui on doit le Littré, reprirent le chemin de la lexicographie avec en 1980 le Dictionnaire Hachette, préfacé par Roland Barthes, un peu plus de cent ans après la parution du Dictionnaire de la langue française.

Chaque année désormais, en même temps que le Petit Larousse paraît donc le Dictionnaire Hachette, disponible depuis 1995 sur cédérom, le multimédia représentant en effet un secteur en pleine expansion chez Hachette. Enfin, en 1995 était publié à l'occasion du sixième sommet de la Francophonie, à Cotonou, le Dictionnaire Universel Afrique édité conjointement avec l'Aupelf-Uref. Et, en 1998, ce Dictionnaire francophone est pérennisé en devenant le Dictionnaire universel francophone contenant, entre autres unités lexicales, environ 10 000 mots de l'univers francophone.

Le TLF: Paul Imbs, Bernard Quemada La plus grande aventure lexicographique de ce demi-siècle est sans conteste celle de l'élaboration du Trésor de la langue française (le TLF): plus de 90 000 mots traités dans le cadre de 16 volumes in-quarto (25 000 pages environ) publiés entre 1971 et 1994, avec pour directeurs P. Imbs, jusqu'au septième volume, et B. Quemada, du huitième au seizième, l'addenda étant sous la direction de G. Gorcy. C'est lors du Colloque organisé en novembre 1957 à Strasbourg qu'était esquissé ce projet grandiose. Y participait B. Quemada, pionnier de la lexicographie assistée par les machines mécanographiques d'abord, informatiques ensuite. Dès 1977, il devait prendre la direction du TLF après avoir assuré la programmation de la documentation informatisée nécessaire à l'élaboration du dictionnaire papier, une documentation informatisée sur la langue française qui fit l'admiration de tous les pays, de par son ampleur et sa qualité. Élaboré dans le cadre du CNRS, ce dictionnaire de la langue du XIXe et du XXe siècle a indéniablement bénéficié de directeurs de très grand talent avec P. Imbs qui l'a fait naître et B. Quemada qui lui a donné sa dimension moderne et son rayonnement international. Soutenu dès 1959 par le gouvernement qui souhaitait favoriser des projets d'envergure – l'acquisition du plus gros ordinateur existant dans les années 1960, le Gamma Bull 60, en est le symbole – le projet s'appuyait déjà en 1969 sur près de 80 millions d'unités-mots disponibles grâce à un remarquable programme de saisie de textes sur bandes perforées. En 1977, le dictionnaire s'insère dans un sous-ensemble du CNRS, l'Institut National de la langue française, l'INaLF, créé par B. Quemada qui fédère ainsi nombre de laboratoires et d'excellents linguistes qui se mettent au service de la langue française. D'autres dictionnaires installés dans cette institution viennent compléter la description de la langue française tout au long de l'histoire de notre langue.

Citons notamment le Dictionnaire du Moyen Français dirigé par un autre très grand linguiste, Robert Martin, qui dirigea l'INaLF de 1992 à 1996. Il importe de souligner qu'à l'identique du dictionnaire de l'Académie, il s'agit ici d'un dictionnaire institutionnel qui ne doit rien dans sa conception à l'entreprise privée. Il résulte en effet du seul souci de la recherche.

L'INaLF et l'internet... L'INaLF, créé et dirigé par B. Quemada, puis par R. Martin, et depuis 1997 par B. Cerquiglini, a su gérer l'avance énorme qu'avait le TLF grâce à l'informatisation de sa documentation. Deux chantiers ont rapidement été ouverts: d'une part l'informatisation du dictionnaire et d'autre part la mise à disposition auprès des chercheurs de la banque de données qui a irrigué le dictionnaire pendant son élaboration et qui ne cesse d'être enrichie.

Le premier enjeu a consisté à informatiser le TLF pour pouvoir en disposer sur support électronique. Ce sera bientôt chose faite. C'est en effet un énorme travail que de transformer toutes les données présentées sur papier et de reconvertir les bandes de composition lorsque celle-ci existent, mais il sera bientôt possible de disposer de ce formidable dictionnaire avec trois niveaux de consultation: la lecture article par article en visualisant tel ou tel type d'information, la consultation transversale, par exemple tous les mots d'origine germanique, et la consultation croisée, par exemple tous les termes de marine en rapport avec la manoeuvre des voiles.

Enfin, un second enjeu consiste à faciliter la consultation de la base de données pour tous les chercheurs, et ici Internet est venu à point nommé pour rendre désormais facile la consultation sur simple abonnement. Il s'agit de Frantext, mondialement connu, qui rend accessible en interactif 180 millions de mots-occurrences résultant du traitement informatique de cinq siècles de littérature, avec plusieurs milliers de textes offerts. L'information ainsi accessible a quelque chose de vertigineux. Il ne fait pas de doute que les productions de l'INaLF sont déjà installées au cœur du XXIe siècle. Conclure n'est guère possible. L'aventure commencée au XVIe et XVIIe siècle ne s'achève pas avec les supports électroniques qui, bien au contraire, la relancent avec des horizons apparemment sans limite. Laissons le dernier mot à un maître des mots, Bernard Cerquiglini, qui, en 1992, déclarait dans la lettre de la délégation générale à la langue française que «le dictionnaire résume, concentre et représente, aux yeux de beaucoup, la langue elle-même, avec laquelle il a une relation essentielle, bien que jamais achevée. Monolingue, bilingue ou plurilingue, classique ou plus moderne, général ou spécialisé, de l'humble glossaire terminologique dont le but est précis à la fascinante encyclopédie qui dit «tout sur tout», c'est un monde de dictionnaires qui encadre et organise notre vocabulaire et notre réflexion».

 

LES DICTIONNAIRES BILINGUES

 

Les dictionnaires français-russe

Il existe  une longue tradition d'emploi des dictionnaires français-russe en Russie. Le premier dictionnaire français-russe dirigé par Cellarins a vu le jour en 1769. En 1788 on a publié le dictionnaire raisonné de Tatischev rédigé sur la base du dictionnaire de l'Académie Française de 1694. Au XIXe siècle on a fait paraître toute une série de dictionnaires français-russe dont le meilleur est celui de N. Makarov (1870), riche en phraséologie, qui a subi 14 éditions. En  1906 on publie le dictionnaire de A. Redkine qui contenait déja des termes spéciaux et rares.

Parmi les dictionnaires français-russe parus après la Révolution d'Octobre on signale, en premier lieu, le  dictionnaire de K. Ganchina dont le vocabulaire, très riche, est fort bien choisi. Sa lère édition date de 1929, la 3e (posthume), considérablement refaite et augmentée, a paru en 1957. En 1932 on voit apparaître  le dictionnaire de V. Pototskaïa dont le vocabulaire est plus petit que celui du dictionnaire de K. Ganchina.

Le travail lexicographique continue dans les années soixantes et soixantes-dix. Ainsi, en 1963 on a fait paraître le «Dictionnaire français-russe phraséologique» sous la direction de I. Rezker. Le dictionnaire est précédé d'une vaste introduction traitant des questions essentielles de la théorie de la phraséologie française et exposant les principes de la composition du dictionnaire phraséologique.

Ce dictionnaire est conçu comme un ouvrage pouvant fournir toutes sortes de renseignements sur les locutions répandues dans la littérature française classique et contemporaine. En même temps, ce dictionnaire est un manuel d'étude de la phraséologie française, son vocabulaire étant extrêmement riche.

Les auteurs du dictionnaire ont eu pour tâche de donner à toute locution phraséologique française un équivalent russe qui soit, autant que possible, exacte et complet.

Un autre dictionnaire français-russe est le «Dictionnaire des synonymes de la langue française» par M. G. Morin et N. A. Chigarévskaïa paru en 1964. C'est le premier ouvrage de ce genre publié en URSS et destiné particulièrement aux élèves des écoles supérieures étudiant la langue française.

Le dictionnaire comprend les synonymes les plus usités et ceux dont la différence de sens est la plus difficile à saisir. On y prête une attention spéciale aux verbes, adjectifs et noms abstraits. Le dictionnaire présente des séries des synonymes stylistiques, généralement de ceux qui appartiennent au style familier et sont si répandus dans les œuvres littéraires de la deuxième moitié du XXe siècle.

En tête de chaque article on place la série des synonymes, on indique (en langue russe) la notion commune qui réunit ces synonymes en l'illustrant par des exemples littéraires. Ensuite viennent les définitions russes de chaque synonyme, accompagnées, elles aussi, par des citations. La classification des synonymes dans chaque article suit les principes essentiels des dictionnaires de synonymes analysés plus haut.

Outre les distinctions de sens et les nuances expressives et émotionnelles des termes de chaque série, on fournit des renseignements sur l'étendue de leur emploi et leurs particularités grammaticales.

 

Les dictionnaires russe-français

Parmi les dictionnaires russe-français, parus à la fin du XIXe et au début du XXe siècles, on peut citer le dictionnaire de N. Makarov. Mais tous les dictionnaires russe-français de cette période  partent de ce que les mots d'une langue sont équivalents aux mots de l'autre langue. Cependant les mots des deux langues ne sont jamais identiques. Ils peuvent avoir des valeurs sémantiques semblables, mais cette ressemblance n'est que partielle ce qui est démontré par L. V. Stcherba dans la préface de la deuxième édition de son Dictionnaire russe-français. Ainsi, l'adjectif français facile dans une de ses acceptions correspond à l'adjectif russe легкий et on peut très bien dire легкоеупражнениеun exercice facile, mais on traduira легкийтуман par brouillard léger. Dans l'expression  un homme de composition facile le même adjectif ne sera plus équivalent au mot russe легкий. Le dictionnaire de Stcherba, paru en 1939, et a subi 9 éditions. Sa dernière édition de 1969 contient plus de 50 000 mots de langue russe, des phraséologismes et des termes les plus répandus dans la langue commune. Il reste un instrument de travail précieux pour ceux qui apprennent le français.

 

Bibliographie

 

1. Dubois, J. Nouveau dictionnaire du français contemporain / J. Dubois, [etal.]. – P., 1980.

2. Lexis. Dictionnaire de la langue française. – P., 1975.

3. Le Petit Robert. Dictionnaire alphabétique et analogique de la langue française. – P., 1988.

4. Rey, A. Dictionnaire des espressions et locutions / A. Rey, S. Chantreau. – P., 1979.