LE MOYEN FRANÇAIS: LES CHANGEMENTS PHONETIQUES
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LE moyen français: LES CHANGEMENTS PHONETIQUES

 

L’objectif d’étude

Apprendre les particularités phonétiques du moyen français

 

L’apprenant doit savoir donner la définition des termes suivants:

Un changement paradigmatique / syntagmatique, la fermeture / l’ouverture des voyelles, une diphtongue, une monophtongue, la monophtongaison, la nasalisation, une voyelle nasalisée, une voyelle nasale, une affriquée, l’hiatus, l’accent de phrase, l’accent de groupe, l’accent rythmique, l’accentuation syntaxique, la liaison, un sygne diacritique, l’accent circonflexe, l’accent aigu, l’accent grave

 

L’apprenant doit savoir:

Les principaux changements paradigmatiques et syntagamtiques des voyelles

Les principaux changements paradigmatiques et syntagamatiques des consonnes

Les principales tendances phonétiques de l’époque

Les principes de l’orthographe du moyen français

 

L’apprenant doit savoir faire:

Analyser les changements phonétiques du moyen français:

Expliquer les causes des transformations phonétiques survenues en moyen français

Analyser les aboutissements morphologiques des changements phonétiques

Etablir les relations structurales entre les changements tenant compte de leur caractère systhématique

Déterminer les origines (latines, etc/) des transformations phonétiques

Analyser les principes d’orthographe réalisés dans les mots

 

Plan

I. Les changements vocaliques.

1. Les changements paradigmatiques des voyelles.

2. Les changements syntagmatiques des voyelles.

II. Les changements consonantiques.

1. Les changements paradigmatiques des consonnes.

2. Les changements syntagmatiques des consonnes.

III. Le changement du type de l’accentuation. La liaison.

IV. L’orthographe du moyen français.

 

I. Les changements vocaliques.

 

La tendance essentielle de cette époque est la simplification du système phonétique de la langue française. 

 

1. Les changements paradigmatiques des voyelles.

Les principaux processus paradigmatiques sont les suivants:

– la fermeture des voyelles;

– la monophtongaison;

– la nasalisation.

 

La fermeture des voyelles

La fermeture a contribué à enrichir le système phonématique du français moderne de nouveaux phonèmes [u] et [ø].

 

A. Le phonème [u] existait en latin et existe en français moderne, mais la période la plus reculée de l’ancien français ne le connaissait ni comme phonème ni comme variante d’un phonème; le son [u] apparaît seulement au XIIIe s. par la suite d’une fermeture encore plus grande d’un [o] fermé: totu > tottu > tot > tout.

Dans l’écriture il est noté par ou, u latin étant passé à y qui garde le graphème u.

 

B. Le phonème labialisé [ø] apparaît de même du fait de la fermeture des voyelles, cette fois-ci à la fin des mots.

Ce son remonte aux XIIe – XIIIe ss. et provient de la monophtongaison des diphtongues eu et ue: nove > neuf [nyef] > neuf [nœf], folia > fueille > feuille. Le moyen français constitue donc une étape transitoire où le phonème [œ] était en train de se fermer en [ø], le processus qui ne prendra fin qu’aux XVIe – XVIIe ss., quand cette nouvelle voyelle manifestera déjà une différenciation de qualité: elle sera fermée  [ø] à la fin absolue du mot: peux, voeu, etc., et ouverte [œ] devant une consonne prononcée: leur, peur, etc.

Plusieurs autres voyelles tendent à se fermer après la chute des consonnes finales.

 

La monophtongaison

Le moyen français tend à simplifier les restes de diphtongues dont la majorité a été éliminée vers le XIVe s.

Il n’en reste que la combinaison diphtonguée qui remonte soit à l’ancienne diphtongue au, soit à la triphtongue eau.

Toutes les autres diphtongues se sont réduites en combinaisons  «semi-voyelle + voyelle»: ié > je, ieu > jœ, ui > wi, oi > wε.

Dans la diphtongue ie qui suit les affriquées [] et [dj] le premier élément disparaît: chier > cher, cherchier > chercher, chargier > charger. Par analogie, il se perd également après toute consonne dans la terminaison de l’infinitif: traitier > traiter, baissier > baisser, etc. Ainsi le fait d’ordre phonétique contribue-t-il à la régularisation des formes verbales – un fait d’ordre grammatical: si en ancien français le 1er groupe comprenait deux types d’infinitifs (en -ier et en -er), après la chute de -i- le 1er groupe est devenu homogène, parce que constitué d’un seul type d’infinitifs – ceux en -er.

La diphtongue ie ne subsiste que dans le suffixe -ierouvrier, bouclier, etc.

La combinaison diphtonguée (< èi < oi) subit à partir du XIV e s. une double évolution:

 

A. oi > [wε > ε]                     B. oi > [> wa]

 

Cette double évolution est due soit aux différents styles, soit à l’influence dialectale.

A. oi > [wε > ε]

Déjà au XIIIe s. dans certains mots commence à se prononcer comme un son simple (une monophtongue) ε. Au XIXe s. pour les mots contenant cette ancienne diphtongue on a adapté l’orthogpraphe ai au lieu de oi, par ex.:

 

Ancien français

Moyen français

Français moderne

 monnoie         

 [monэ > monεэ]

 monnaie  [monε]

 foible

 [fblэ > fεblэ]

 faible [fεbl]

 -ois    

 [s > εs > ε]

 ais [ε]: Français, Milanais

 

La terminaison de l’imparfait et du conditionnel -oit a passé par les mêmes transformations, ayant éliminé de cette façon le flottement de la prononciation de cette désinence en ancien français: à cette époque-là les deux formes phoniques étaient acceptables:  

       Ancien français

          Moyen français

 il dormeit:

 il dormait:

 a) [dorm]

 b) [dormε]      

 a) ----------

 b) [dormε]

  

B. oi > [> wa]

A partir du XIVe s. la voyelle [ε] dans la diphtongue oi []s’ouvre en [a], d’où []> [wa]. Cette prononciation se répand surtout dans le menu peuple de Paris: avoir [avr > avwar]. Notons que l’orthographe conserve l’écriture plus ancienne – celle de l’ancien français oi.

Cette même tendance à l’ouverture se fait voir dans l’évolution de e > a devant r qui devient une consonne «ouvrante» dans la prononciation populaire: darnier pour dernier, aparcevoir pour apercevoir, etc.

Durant les XIIIe – XIVe ss. les diphtongues nasalisées ont passé aux monophtongues ou aux combinaisons diphtonguées: 

Ancien français

Moyen français

 faim [fãĩm]

 faim [fẽm]

 frein [frẽĩn]    

 frein [frẽn]

 point [põĩnt]  

 point [põẽnt] > [pwẽnt]

 juin [djũĩn]     

 juin [jųẽn]

 bien [bĩẽn]

 bien [biẽn]

 

L’orthographe qui est restée celle de l’ancien français n’a pas suivi le changement de la prononciation:

[fãĩm] (AF)         ≠ [fm] (MF)

faim   (AF)         = faim  (MF)

 
La nasalisation

Le moyen français possède trois voyelles nasales: [ã], [ẽn],[õ].

Les voyelles nasalisées restent en moyen français des variantes de phonèmes oraux, bien que la nasalisation devienne sensiblement plus grande.

Les voyelles nasales et nasalisées manifestent la tendance à l’aperture.

En moyen français la tendance à l’aperture, amorcée aux XIe – XIIe ss. ([n] > [ãn]), atteint les voyelles fermées [ĩn], [õ(ø)n] et [ũn]:

[ĩn] > [ẽn] : vin [vĩn] > [vẽn]

[ũn] > [õn]: un [ũn] > [õ(ø)n]

Ainsi, le vocalisme du moyen français s’est-il enrichi d’une voyelle labiale nasalisée [õ(ø)n] ayant perdu les nasalisées [ĩn] et [ũn].

 

2. Les changements syntagmatiques des voyelles.

Les principaux changements syntagmatiques de l’époque sont les suivants:

– l’évolution de [e] > [э],

– la réduction d’hiatus intérieurs.

 

L’évolution de [e] > [э]

La voyelle e en position non accentuée et dans les monosyllabes qui ne portent pas l’accent (tels pronoms personnels, articles, adjectif démonstratif) se réduit en [э]: cheval [ƒeval > ƒэval], te [te > tэ], le [le > lэ].

Dans un mot de trois syllabes e prétonique disparaît ce qui diminue le volume du mot: serement > serment, contrerole > controle.

Vu la tendance du français au rythme oxyton, l’unique voyelle posttonique [э] à la fin absolue du mot s’affaiblit et dispaît d’abord en position après voyelle: pensee [pãnseэ > pãnse:]. Ce changement porte atteinte à l’expression du genre féminin, car la chute de [э] est compensée par l’allongement de la voyelle finale. Désormais la finale longue, marquant le féminin, s’oppose à la finale brève: ami / amie [ami / ami:], etc.

Il apparaît de la sorte dans le vocalisme du moyen français une nouvelle caractéristique qui tend à devenir un trait pertinent, la longueur. On la trouve non seulement à la suite de la chute du e final, mais aussi dans la voyelle o ayant passé à o fermé long devant z, v et après l’amuïssement de s: chose [cho˛ze > chọ: ze], pauvre [po˛vre > p̣̣ọ: vre], tost [to˛st > to:̣t], etc.

 
La réduction d’hiatus intérieurs

Dans la plupart des cas les voyelles se sont trouvées en hiatus à la suite de la chute des consonnes intervocaliques.

 

A. La voyelle e en hiatus ne se prononce plus: eage [eadgэ] > eage [agэ], veoir [vewer] > veoir [vwer] > ([vwar]).

 

B. Les voyelles i, u, y en hiatus passent en semi-consonnes j, w, ų: nier [nier > njer], tuer [tuer > tųer], ouate [uatэ > watэ].

 

C. La voyelle o en hiatus ne disparaît pas, mais se transforme en [u] (devient plus fermée). Dans l’orthographe cette nouvelle prononciation est rendue par la combinaison de deux lettres ouloer > louer, oir > ouir,  aloette > alouette.

 

D. La voyelle a devant [õn] passe à [ãn]; o ne se prononce plus: paon  [paõn] > [pãn].

La réduction des voyelles en hiatus contribue à l’unification des formes grammaticales, par ex., dans le passé simple:

 

Ancien français

Moyen français

 je vi    

 je vis

 tu veis

 tu vis  

 il vit

 il vit    

                         

La réduction complète d’hiatus intérieurs ne s’achèvera qu’au XVIe s. Dans certains cas l’orthographe n’a pas suivi le changement de la prononciation, celle-là étant devenue historique: paon [], haine [εn], etc.

 

II. Les changements consonantiques.

 

1. Les changements paradigmatiques des consonnes.

Le principal changement paradigmatique de l’époque est la réduction complète des affriquées.

Le système consonantique du moyen français se voit débarrassé des affriquées qui se sont transformées en sons simples à l’époque de l’ancien français: [] > [ƒ], [ts] > [s], [dj] > [j], [dz] > [z] et des occlusives postlinguales labialisées ([kw] > [k], [gw] > [g]).

Ainsi, à la suite de la réduction (= simplification) des affriquées et des occlusives postlinguales labialisées le consonantisme s’enrichit de deux nouvelles consonnes [ƒ], [j], et de deux semi-consonnes [ų], [w].

L’ancienne affriquée z (< t+s) est présentée dans l’orthographe moderne à la 2 e personne du pluriel (venez, allez, etc.) et dans l’adverbe assez.

A part la sonante mouillée [l’] et l’expirée [h], le consonantisme du moyen français est celui du français moderne. Le français éliminera [l’] plus tard, mais il existe des dialectes qui connaissent de nos jours cette consonne mouillée. Quant à l’expirée [h], elle ne se trouve que dans les emprunts, donc son emploi est restreint et la consonne tend à disparaître.

 

2. Les changements syntagmatiques des consonnes.

Le principal changement syntagmatique est l’effacement progressif des consonnes finales (notamment, du r final) et celles qui font partie de groupes consonantiques ( -s- en particulier).

 

 L’évolution du r final

La consonne finale -r ne se prononce plus: porter[porte], finir [fini], recevoir [resevwε], douleur[dulœ], miroir[mirwε], etc. Dans les verbes du 1ier groupe cette consonne finale est perdue à jamais; dans la plupart des mots (y compris les verbes du 2 e et du 3 e groupes) la finale -r serq restituée plus tard grâce aux grammairiens.

 

L’évolution de s

L’évolution de la consonne s a laissé des traces dans l’écriture moderne où son ancienne présence en ancien français est marquée par des signes diacritiques – l’accent circonflexe ou l’accent aigu (vu le fait qu’avant de disparaître la consonne s a allongé la voyelle précédente): baptisma > baptême, crispare > cresper > crêper, etc.

Dans le dialecte wallon cet s persiste et se prononce jusqu’à nos jours: tcheste response = cette réponse. Quoique cette consonne ait disparu de la prononciation depuis le moyen français, elle n’a été officiellement suprimée dans l’écriture qu’en 1740 (3 e édition du Dictionnaire de l’Académie). Néanmoins, la langue moderne possède beaucoup de vocables avec les groupes s + consonne qui sont des mots savants: costume, gastronomie, etc. ou des mots avec les suffixes savants -iste, -isme.

 

III. Le changement du type de l’accentuation. La liaison. 

En ancien français, tout comme en latin, chaque mot était accentué. A partir du XIVe s. on atteste un passage graduel à «l’accentuation de phrase» (accent de groupe, accent rythmique, ou accentuation syntaxique) qui se sera installé définitivement vers le XVIe siècle. Ce changement du régime d’accentuation est gros de conséquences pour la structure phonétique (la chute des consonnes finales devant une autre consonne, etc.; mais surtout l’enchaînement et la liaison) et grammaticale du français (car le nouveau régime a permis à deux ou à plusieurs mots dépendants de s’unir en un groupe syntaxique).

Les enclitiques, nombreuses en ancien français (jol < jo le, nes < ne les, etc.), sont peu à peu éliminées. Ces combinaisons sont dissoutes et forment désormais deux mots séparés et indépendants.

 

La liaison

En moyen français il se développe dans la langue un nouveau phénomène phonétique – la liaison.

La liaison peut être considérée comme le résultat de trois sources: l’accentuation de phrase et de deux tendances au niveau syntagmatique – la réduction des groupes consonantiques et la chute des consonnes finales.

 

A. La réduction des groupes consonantiques affecte les consonnes finales parce qu’elles constituent le premier élément du groupe qui se forme à la charnière de deux mots, à l’intérieur d’un syntagme: sans cause, sauf respect, etc. Par contre, les mêmes consonnes finales sonnent toujours devant un mot dont le commencement est vocalique: sans amis. Il est à noter qu’au début, la consonne finale du mot s’amuït seulement devant un mot commençant par une consonne à l’intérieur d’un même syntagme. Ce n’est que plus tard que les consonnes finales tombent en toute position sauf en cas de liaison.

 

B. La chute des consonnes finales a amené un grand nombre d’hiatus que la langue tâche de combler par des liaisons. Il s’agit le plus souvent du maintien, dans la prononciation, des consonnes finales qui se sont trouvées en positions intervocaliques: mes_amis.

Ainsi, les changements syntagmatiques ont-ils donné naissance à un phénomène très particulier qui porte le nom de liaison. Ce phénomène est dû à la tendance du français à développer un accent de groupe dit accent rythmique consolidant tous les éléments qui s’enchaînent.

 

IV. L’orthographe du moyen français.

Si la langue parlée se développe sans contraintes en moyen français, il n’en est pas ainsi pour la langue écrite.

En moyen français, l’orthographe perd peu à peu son caractère phonétique pour devenir traditionnelle et étymologique, et cela pour deux raisons.

Primo, l’orthographe demeure en grande partie telle qu’elle a été en ancien français, tandis que la prononciation s’en est considérablement écartée et évolue toujours. L’orthographe retarde donc sur la prononciation.

A titre d’exemple on peut mentionner les nombreuses anciennes diphtongues et triphtongues qui avaient disparu, s’étant réduites à des voyelles simples dans la langue parlée; seule la langue écrite a conservé les traces de la prononciation de l’époque précédente dans des mots comme oiseau, fou, fleur et saoul. Les lettrés de l’époque y réagissent en exigeant de conserver des graphies qui ne correspondent plus à la langue orale. Ainsi, l’orthographe devient-elle historique, parce qu’elle représente «l’histoire» phonétique du mot .

Secundo, la notation elle-même ne reste pas toujours intacte. A la suite de l’intervention des scribes et des grammairiens voulant rapprocher la graphie du français de ses origines, c’est-à-dire de la graphie latine, l’orthographe devient étymologique.

Dans le cadre de la «relatinisation» de l’orthographe française on rétablit beaucoup de consonnes disparues: sepmaine < septimana, etc.; certaines consonnes doubles disparues en ancien français sont restituées: belle pour bele d’après le latin bella, etc.

D’ailleurs, certains rétablissements sont fautifs et dus à l’ignorance ou l’oubli de l’évolution phonétiques des sons. Ainsi, la consonne c ayant passé en i devant consonne (lactu > lait, factu > fait), les scribes et les grammairiens l’ont rétablie et transcrivent ces mots comme suit: laict, faict.

A force d’oublier la valeur de quelques signes conventionnels, on introduit des lettres reproduites par les signes en questions. C’est ainsi qu’en moyen français dans la terminaison -us, représentée en ancien français par -x, la lettre u est restituée devant -x (=us): chevaus = chevax = chevaux.

En plus, il y a des cas de fausse étymologie: deulx < duos, peult < potet, scavoir < sapere, huictiesme < octo, etc.

Pour lutter contre les confusions à l’initiale des mots, qui résultent de l’alternance entre la lettre u et v (à l’époque u représente deux sons – u et v dans la graphie), on ajoute un [h] initial pour marquer le commencement vocalique: osteu > uitre > huitre, oleu > uile > huile, etc. Cela permet de distinguer les mots tels que huis de vis, huître de vitre, etc.

L’introduction d’une grande quantité de lettres étymologiques accentue les divergences entre la prononciation et la graphie.

Il y a des cas où certaines notations sont plutôt arbitraires. C’est ainsi qu’en moyen français, on écrit à la place de i la lettre y, surtout à la finale et à l’initiale des mots: mercy, roy, etc.

Il n’en demeure pas moins que l’orthographe commence à se fixer, comparativement à l’ancien français, tout en se compliquant en même temps, et cela, malgré les efforts pour la rationaliser. Les normes orthographiques ne sont donc pas encore contituées à l’époque, la graphie du moyen français est compliquée et souvent arbitraire.

Mais le XVe s. annonce déjà l’époque du «dirigisme linguistique», caractéristique du français qui va suivre. Les premières tentatives d’unifier l’écriture s’inscrivent dans la politique visant la centralisation du pays et le renforcement du pouvoir royal: les documents rédigées par la chancellerie royale doivent être transcrits toujours uniformément afin d’être compris partout et sans équivoques.

La prononciation s’étant écartée considérablement de l’orthographe, cette dernière se base désormais sur quatre principes qui lui sont propres de nos jours.

 

A. Le principe étymologique (latinisant). Les lettres latines sont reconstituées dans le mot, sans être prononcées toutefois, pour rendre plus nette l’origine du mot: temps (< tempus), compter (< computare), etc.

 

B. Le principe historique qui vise à conserver l’écriture de l’ancien français, phonétique par excellence:

mais: la diphtongue [ai] a passé à la voyelle simple [e], tandis que l’orthographe a conservé l’ancienne prononciation diphtonguée, c.-à-d. elle reflète l’histoire phonétique de ce mot;

maistre: la consonne s ne se prononce plus depuis la fin du XIIIe s., etc.

 

C. Le principe morphologique sert à montrer les liens morphologiques entre les mots, par ex., en ancien français le mot regart se prononçait avec la consonne finale sourde parce qu’à l’époque toutes les consonnes finales s’assourdissaient (l’écriture en ancien français suivait fidèlement ce processus phonétique: regart[regart]). Vu le fait que le mot regart provient du verbe regarder (non pas regarter), on reconstitue la lettre d à la fin du mot pour mettre en évidence ce lien morphologique.

 

D. Le principe phonétique (très peu usité depuis le moyen français) d’après lequel la prononciation et l’orthographe coïncident: dortouer («dortoir») [dortwer] (car en moyen français l’ancienne diphtongue oi se prononçait [we]), sur, dur.

 

Questions ( * - questions demandant des reflexions)

 

I. 1. Quels sont les principaux changements paradigmatiques qui ont touché les voyelles?

Quelles sont les nouvelles voyelles qui apparaissent dans le vocalisme du moyen français?

* Nommez les processus phonétiques grace auxquels ces nouveaux phonèmes se sont formés.

 

2. Quels sont les principaux changements syntagmatiques qui ont touché les voyelles?

Où voit-on la principale cause de la formations d’hiatus internes?

La réduction d’hiatus s’est-elle répercutée sur le système verbal?

Quelles sont les nouvelles caractéristiques qui surgissent dans le vocalisme du moyen français ?

La grapnie, suit-elle toujours les mutations vocaliques? Donnez des exemples.

 

II. 1. Quels sont les principaux changements paradigmatiques qui ont touché les consonnes?

De quelles consonnes le consonantisme du moyen français s’enrichit-il?

Par quelles consonnes le consonantisme du moyen français se distingue-t-il de celui du français moderne?

 

2. Quels sont les principaux changements syntagmatiques qui ont touché les consonnes?

La grapnie, suit-elle toujours les mutations consonantiques? Donnez des exemples.

 

III. Comment change le régime d’accentuation au moyen français?

Quels sont les facteurs qui sont à l’origine de la liaison?

 

IV. Sur quels principes est baseée l’orthographue du moyen français?

Pourquoi la graphie s’écarte-t-elle de la prononciation?

 

 

Devoirs 

1. Définissez: un changement paradigmatique / syntagmatique, la fermeture / l’ouverture des voyelles, une diphtongue, une monophtongue, la monophtongaison, la nasalisation, une voyelle nasalisée, une voyelle nasale, une affriquée, l’hiatus, l’accent de phrase, l’accent de groupe, l’accent rythmique, l’accentuation syntaxique, la liaison, un sygne diacritique, l’accent circonflexe, l’accent aigu, l’accent grave. 

2. Examinez les transformations suivantes et exliquez comment s’est formé le nouveau phonème u au moyen français: gutte > gotte > goute; surdu > sord > sourd; co(h)orte > cor > cour (voir I.1.) 

3. Dans les mots parent, vin la graphie est-elle plus ancienne que la prononciation? Pourquoi? (voir I.1.)

4. Etudiez la série suivante et expliquez comment se distinguent les féminins et les masculins des mots à la finale vocalique: fini / finie [fini / fini:].  De quel moyen – phonétique ou morphologique – le moyen français se sert-il pour marquer le genre féminin des mots à la finale vocalique ? Grâce à quel changement phonétique une telle distinction est-elle devenue possible? (voir I.2.) 

5. Etudiez la conjugaison de verbe devoir au passé simple et dites grâce à quelle transformation phonétique est due cette régularisation (voir I.2.):
AF            MF

je dui         je dus

tu deus      tu dus

il dut         il dut

Expliquez pourquoi dans le mot août [ut] il y a des lettres qui ne se prononcent pas.

 

6. Nommez les mutations phonétiques qui sont caractéristiques seulement au moyen français et ceux qui représentent l’évolution des transformations débutées en gallo-roman ou en aéncien français; ceux qui se sont achevées en mpuen français et ceux qui vont encore évoluer. 

7. Trouvez dans le dictionnaire étymologique les mots avec les accents graves et circonflexes et expliquez ce que ces accents marquent. Pourquoi dans beaucoup de mots français retrouve-t-on ces consonnes ( -s entre autres) qui aient été effacées depuis le moyen français? 

8. Pourquoi dans certains dialectes retrouve-t-on l’ancienne prononciation? (voir II.2.) 

9. Pourquoi la transcription du suffixe -cion qui  reflétait fidèlement la prononciation a-t-elle été remplacée par l’orthographe étymologique -tion: soubscripcion > subscription, persecucion > persécution, etc.? Comment est nommé une telle orthographe? (voir IV) 

10. Un autre exemple: la consonne l qui s’était vocalisée en u (colp > coup) est restituée devant consonne: chevauls, fault. Cette graphie compliquée finira par se simplifier en partie, mais nous la retrouvons de nos jours dans les noms propres, par ex.: Renault, Thibault, Ch. Perrault, etc. Comment est appelée cette étymologie? (voir IV)

 

Cours théorique 8