LE VOCABULAIRE DU LATIN VULGAIRE
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LE VOCABULAIRE DU LATIN VULGAIRE.

 

L’objectif d’étude

Apprendre les particularités du vocabulaire du latin vulgaire

 

L’apprenant doit savoir donner la définition des termes suivants: une couche lexicale, le fonds lexical = le vocabulaire, un synonyme, une série synonymique, un vocable = un mot, un suffixe diminutif, un suffixe péjoratif, la dérivation propre (la suffixation, la préfixation, la composition), la dérivation impropre (= conversion), l’emprunt, le substrat

 

L’apprenant doit savoir:

Les particularités du vocabulaire du latin vulgaire

Les grandes lignes de son évolution à l’époque

Les procédés de formations des mots nouveaux en latin vulgaire

Les éléments du substrat celtique dans le vocabulaire du latin vulgaire

 

L’apprenant doit savoir faire:

Analyser les particularités du vocabulaire du latin vulgaire

Dégager les procédés les plus usités de formation des mots nouveaux

Mettre en rapport les faits externes (d’ordre social, économique, politique, culturel, etc.) et les faits internes (linguistiques)

Relever les pertes dans le vocabulaire du latin classique

Déterminer les origines des changements lexicaux de l’époque étudiée

Expliquer les causes de ces changements

 

Plan

 

I. Les traits particuliers du vocabulaire du latin vulgaire.

II. La formation des mots nouveaux.

III. Les éléments du substrat celtique dans le vocabulaire du latin vulgaire.

 

I. Les traits particuliers du vocabulaire du latin vulgaire.

En étudiant le vocabulaire (changements lexicaux) il faut tenir compte du caractère oral du latin vulgaire: c’est une langue non littéraire, outil de communication d’un grand nombre de gens, très simplifié et très familier, avec des formes expressives, voire argotiques.

En gros le fonds lexical du latin vulgaire se compose de deux couches:

– la couche latine;

– la couche celtique appelée le substrat.

Le lexique du latin populaire diffère donc de celui du latin classique bien que le fonds essentiel soit le même avec:

– les noms désignant la parenté: pater, mater, frater, seror, etc.

– les noms désignant les phénomènes de la nature: caelum, tampestas, etc.;

– les noms désignant les animaux: vacca, caballum, capra, canis, etc.;

– les notions abstraites: ajudha, etc.

 

Les particularités du vocabulaire du latin vulgaire sont les suivantes:

 

A. La perte de beaucoup de mots au sens abstrait: les usagers du latin vulgaire n’en avaient pas besoin vu le déclin des arts et des sciences à l’époque.

 

B. La diminution de la richesse synonymique. En latin classique il s’est créé de longues séries de synonymes, par ex., pulcher, formosus, bellus. Le latin vulgaire rétrécit ces séries, la plupart des synonymes étant tombés en désuétude.

Dans les séries synonymiques le latin vulgaire choisit le plus souvent le mot du style parlé, par ex., dans la série ignoscere / perdonare le premier synonyme qui appartient au style littéraire est remplacé par perdonare qui est du style parlé. Très souvent le synonyme littéraire est oublié, par ex., equus a disparu évincé par caballus > cheval fr.

 

C. S’il s’agit de la formation des mots nouveaux dans l’opposition «modèle régulier / modèle irrégulier» le latin privilégie le premier.

 

D. Les nouveaux Romains emploient volontiers les mots avec des suffixes péjoratifs et diminutifs afin de rendre leur langage plus imagé.

 

II. La formation des mots nouveaux.

 

Quant à la formation des mots nouveaux, elle se fait par:

– la dérivation propre et impropre;

– l’évolution du sens des vocables (les mots latins peuvent changer leur sens);

– l’emprunt.

 

La dérivation propre et impropre

Pour former les mots nouveaux le latin vulgaire tend à éviter les modèles irréguliers et rares, il privilégie les modèles réguliers: iubere cède place à commandare, ferre à portare.

Certains suffixes des substantifs sont devenus plus usités en latin vulgaire et s’emploient au détriment des autres suffixes:

-ariusmarinarius;

-arium: granarium;

-antia, -entia: *credentia, *sperantia;

-mentum: *gubernamentum, regimentum;

-or: sapor, dulcor, dolor, pavor, valor, etc.

Dans la formation des verbes les suffixes les plus utilisés sont -are (-iare), -icare, -itare: mensurare, etc. Les verbes irréguliers sont refaits d’après les modèles réguliers, le plus souvent avec le suffixe -are: canere (cano, cecini) > cantareetc.

Les formes verbales parasynthétiques ne sont rares: accelerare, prolongare,*cominitiare (commencer fr.).

Pour former les adjectifs on a recours aux suffixes suivants:

-anus: medianus;

-arius: focarius;

-bilis: capabilis;

-alis:  pastoralis, etc.

Il a apparu un nouveau suffixe -iscus.

Les anciens suffixes des adverbes -e, -ter ne sont plus employés (sauf bene, male, longe). Les nouveaux adverbes se forment:

– à l’aide des prépositions: de retro, ab ante «спереди», etc.;

– par composition: adjectif + mente ( < mentis): bona mente. Ce modèle est devenu très fréquent dans la langue française.

Les préfixes les plus productifs pour former les mots nouveaux sont les suivants: ad-, con-, de-, dis-, ex-, in-, re- etc.

Les nuances diminutives, péjoratives des anciens vocables s’étant effacées (trait du langage parlé, cf. дева / девица и т.д.), la formation des mots nouveaux se fait essentiellement à l’aide des suffixes au sens diminitif ou péjoratif. Cela permet d’étoffer les mots en généralisant les diminutifs: sol « cолнце» > *soliculus «солнышко» > soleil fr. Les nuances diminutives sont le plus souvent rendues par les suffixes suivants:

-ellus (-cellus): avicellus> oiselanc.fr.;

-ulus : genuculum > genoilanc.fr.

La conversion (= dérivation impropre) du participe passé au substantif n’est pas rare en latin vulgaire: debita «долг»,*veduta «зрение», etc.

 

L’évolution du sens des vocables

Les mots latins changent leur sens:

– grâce à l’emploi métaphorique du mot: teste lat. горшок > tête fr.;

– le mot élargit son sens (infans «младенец» > enfant fr.) ou rétrécit son sens (necare «tuer» LCl > noyer fr.);

– les expressions figées se racourcissent, ce qui est propre à la langue parlée: tempus hibernum «зимнее время» lat. > hiver fr., etc.

 

L’emprunt

La propagation du christianisme a favorisé la pénétration des mots grecs ayant trait à la religion et au culte: agonizare «lutter», parabolare «parler», sabanum «toile», hebdomada «semaine», episcopus, basilica, etc.

Mais c’est surtout au celtique que le latin vulgaire puise de nouveaux vocables.

 

III. Les éléments du substrat celtique dans le vocabulaire du latin vulgaire.

A l’époque du latin vulgaire les emprunts celtiques sont les plus nombreux; les emprunts aux langues germaniques sont moins nombreux à cette époque. Pour le français les vestiges du celtique sont considérés comme éléments de substrat.

Il faut préciser que certains linguistes estiment que les parlers celtiques ont participé à la genèse de la langue française, c’est pourquoi ils ne considèrent pas ces mots celtiques comme des emprunts, mais comme des mots héréditaires.

C’est surtout dans le domaine de la vie rurale et des produits artisanaux que l’on trouve des mots d’origine celtique (= gauloise): cervoise, crème, tonneau, ruche, etc.

Le gaulois a laissé dans le lexique français beaucoup de termes ruraux se référant aux travaux des champs: sillon, glaner, soc, charrue, etc.; ou à la configuration du terrain: caillou, grève, etc.; des noms d’animaux et de plantes: alouette, mouton, bièvre «castor», blaireau, etc.et quelques noms de mesures anciennes: arpent, boisseau, lieue, etc..

Les Gaulois ont donné au latin une partie de leur vocabulaire dans le domaine des véhicules à roues, parce que les Gaulois étaient des charrons hors pair: char, carriole, carrosse, charrue, etc..

Certains mots gaulois n’avaient pas d’équivalents dans le latin, car les Romains ne connaissaient les objets qu’ils désignaient: sapo «savon» (les Romains utilisaient l’huile), cervesia «bière» (les Romains buvaient le vin), bracae «pantalon» (les Romains portaient des togues ou des tuniques), etc..

Les suffixes d’origine celtique.

-ialo «clairière» > le suffixe -euil, -eil: Argenteuil, Créteil, etc..

-acos ( > acus) > le suffixe des noms géographiques -ay,  -as, -at, -a, -acq, -é, -y: Blanzay, Calviac, Aubiat, Mointagna, Donzacq, Aubigné, Charly (environ 40% des toponymes français se sont formés à l’aide de ces suffixes), etc..

Les toponymes celtiques sont nombreux en France et au Nord de l’Italie: Rotomagus > Rouen, Catomagus > Caen (du celtique magos = campus), Virodunum > Verdun, Lugudunum > Lyon (dunum = oppidum «yкрепление, город»), Mediolanum > Milano. Les noms de plusieurs villes françaises proviennent des noms des tribus celtiques:  Andecavi > Angers, Ambiani > Amiens, Pictavi > Poitiers, Tricasses > Troyes, etc..

Le système vigécimal (calcul par vingtaines avec les multiples de dix et de vingt), inconnu du latin, est d’origine celtique.

 

Questions ( * - questions demandant des reflexions)

 

I. De combien de couche le fonds lexical du latin vulgaire se compose-t-il?

Quels sont les groupes de mots que le latin vulgaire a hérité du latin classique?

Quelles sont les particularités du vocabulaire du latin vulgaire?

Par quoi s’expliquent les traits caractéristiques du latin vulgaire?

 

II. Quels sont les procédés de formations des mots nouveaux que le latin vulgaire utilise afin d’enrichir son vocabulaire?

Pourquoi ce sont les suffixes péjoratifs et diminutifs que le latin vulgaire privilégie?

 

III.Le latin vulgaire, emprunte-t-il beaucoup? Pourquoi?

Pourquoi le latin vulgaire puise-t-il essentiellement au celtique?

A quels domaines les mots celtiques ont-ils trait? Pourquoi?

 

 

Devoirs 

1. Définissez: une couche lexicale, le fonds lexical = le vocabulaire, un synonyme, une série synonymique, un vocable = un mot, un suffixe diminutif, un suffixe péjoratif, la dérivation propre (la suffixation, la préfixation, la composition), la dérivation impropre (= conversion), l’emprunt, le substrat. 

2. Consultez les dictionnaires étymologiques et dites de quelle origine sont les mots suivants: bouc, chamois, bouleau, chêne, bruyère, if, raie; galet, glaise, lande, boue. 

3. Comment se fait le compte en français moderne: par dix ou par vingt? Expliquez les origines du caractère double du compte en français. 

4. Comment les mutations du vocabulaire du latin vulgaire ont-elles reflété les événements historiques se déroulant sur le territoire de l’ancienne Gaule?