LE LATIN VULGAIRE: LES CHANGEMENTS GRAMMATICAUX
L’objectif d’étude
Apprendre les particularités morphologiques et syntaxiques du latin vulgaire
L’apprenant doit savoir donner la définition des termes suivants: un changement paradigmatique / synthagmatique, une flexion, un cas, une forme casuelle ( = flective), parisyllabique / imparisyllabique, l’analytisme (forme analytique), le synthétisme (forme synthétique), une déclinaison, une conjugaison, l’étymologie (étymologique), une forme verbale personnelle / non personnelle, un groupe de mots, une proposition simple, une proposition complexe (= une phrase), une proposition juxaposée, coordonnée, subordonnée
L’apprenant doit savoir:
Les modifications survenues dans le nom, l’adjectif, les pronoms, le verbe
Les tendances se développant dans le système morphologique du latin vulgaire
Les traits particuliers et principales tendances syntaxiques du latin vulgaire
L’apprenant doit savoir faire:
Analyser les mutations grammaticales survenues en latin vulgaire
Trouver les faits d’ordre phonétique qui sont à l’origine des transformations grammaticales
Expliquer les causes des transformations grammaticales survenues en latin vulgaire
Etablir les relations structurales entre les changements tenant compte de leur caractère systhématique
Déterminer les origines (celtiques, germaniques) des transformations grammaticales
Le plan
I. Les changements morphologiques survenus en latin vulgaire.
1. Le nom.
2. L’adjectif.
3. Les pronoms.
4. Le verbe.
II. Les particularités de la syntaxe du latin vulgaire.
I. Les changements morphologiques survenus en latin vulgaire.
Deux tendances essentielles se développent en latin vulgaire:
– la réduction considérable des formes flectives, très nombreuses et variées en latin classique (processus paradigmatique);
– l’emploi de plus en plus fréquent des formes analytiques au lieu des formes synthétiques (processus syntagmatique).
La réduction du système de flexions et la propension vers l’analytisme résultent de:
– l’extension du latin sous une forme orale par excellence sur un vaste territoire;
– l’absence de l’influence normalisatrice de la part du latin classique littéraire;
– l’usage du latin vulgaire par des gens peu instruits.
1. Le nom.
Le nom en latin vulgaire possède les mêmes catégories grammaticales que le nom du latin classique: le genre, le nombre et le cas.
Les principaux processus paradigmatiques qui se déroulent dans le nom vulgaire sont les suivants:
– la disparition du genre neutre;
– la réduction des formes casuelles ( = réduction du nombre de cas);
– la réduction des types de déclinaison.
La disparition du genre neutre
Le latin classique possédait trois genres: le masculin, le féminin et le neutre.
Le latin vulgaire perd le genre neutre, en voilà les causes:
A. En latin classique les trois genres exprimaient l’opposition de l’inanimé ↔ l’animé: le neutre ↔ le masculin / le féminin. Mais très souvent un mot neutre désignait un objet animé, tandis qu’un mot masculin désignait un objet inanimé. Ainsi depuis déjà le latin classique la catégorie du neutre devient-elle illogique.
B. Le langage parlé qu’est le latin vulgaire tend à doter d’une forme précise chaque valeur grammaticale. Mais les terminaisons des noms en latin classique ne correspondaient pas forcément à un genre précis, par ex.:
Masculin |
Féminin |
Neutre |
lupus |
fraxinus |
|
canis |
apis |
|
frater |
mater |
|
athleta |
Tabula |
labra (pl.) |
Ainsi, la flexion -us qui désigne le plus souvent le masculin, revêt-elle en latin vulgaire la valeur du masculin, tandis que la terminaison -a devient la marque du féminin.
C. Le pluriel du neutre ayant la désinence -a, celle-ci se confond avec la forme du féminin singulier: labra (pluriel du neutre labrum) > levre (fém.).
D. L’évolution phonétique du latin vulgaire a beaucoup contribué elle aussi à la ruine du neutre, et notamment, l’amuïssement de -s et de -m à la fin des mots facilite la confusion des masculins et des neutres: collum (neutre) > colu, lupus (masculin) > lupu.
La réduction des formes casuelles ( = réduction du nombre de cas)
La réduction du nombre de cas est due à:
A. La coïncidence de certaines formes casuelles du latin classique (voir le schéma ci-dessous).
B. La confusion de certaines formes casuelles: cum discentibus > cum discentis «с учениками».
C. Les modifications d’ordre phonétique:
– la chute des consonnes et des voyelles finales y contribue largement: terra(m) (Acc.) = terra (Abl.);
– la disparition des oppositions phonologiques «voyelle longue / voyelle brève», elle aussi, favorise la coïncidence des formes casuelles.
Plusieurs formes casuelles sont devenues donc des homonymes. Ces transformations phonétiques favorisent le déclin progressif du système casuel en latin vulgaire au point que vers la fin du Ve s. la majorité des formes casuelles ont disparu
Peu à peu les formes du cas Accusatif commencent à assumer les fonctions de tous les autres cas obliques (du Génétif, du Datif, de l’Ablatif); ces formes sont «renforcées» par des prépositions afin de préciser leurs valeurs.
Ainsi, vers la fin du Ve s. de n. ère le nombre de cas et celui de types de déclinaison se réduisent, il n’en reste que deux cas et trois types de déclinaisons.
Le p r e m i e r type de déclinaison
Les féminins en -a
Singulier |
Pluriel |
||||
Cas |
Latin classique |
Latin vulgaire |
Cas |
Latin classique |
Latin vulgaire |
Nom.,Voc. |
stellǎ |
stella |
Nom. Voc. |
stellae |
stellae stellas) |
Gen. |
stellae |
|
Gen. |
stellārum |
|
Dat. |
stellae |
|
Dat. |
stellīs |
|
Acc. |
stellam |
stella(m) |
Acc. |
stellās |
stellas |
Abl. |
stellā |
|
Abl. |
stellīs |
|
Le d e u x i è m e type de déclinaison
Les masculins en -us, -er
Singulier |
||
Cas |
Latin classique |
Latin vulgaire |
Nom., Voc. |
lupǔs, lupě |
lupus |
Gen. |
lupī |
|
Dat. |
lupō |
|
Acc. |
lupum |
lupu(m) |
Abl. |
lupō |
|
Pluriel |
||
Cas |
Latin classique |
Latin vulgaire |
Nom., Voc. |
lupī |
lupi |
Gen. |
lupōrum |
|
Dat. |
lupīs |
|
Acc. |
lupōs |
lupos |
Abl. |
lupīs |
|
Le t r o i s i è m e type de déclinaison
Les masculins et les féminins parisyllabiques et imparisyllabiques.
Parisyllabiques
Singulier |
||
Cas |
Latin classique |
Latin vulgaire |
Nom., Voc. |
navǐs |
nevis |
Gen. |
navǐs |
|
Dat. |
navī |
|
Acc. |
navem |
neve(m) |
Abl. |
navě |
|
Pluriel |
||
Cas |
Latin classique |
Latin vulgaire |
Nom., Voc. |
navēs |
neves |
Gen. |
navium |
|
Dat. |
navǐbǔs |
|
Acc. |
navēs |
neves |
Abl. |
navǐbǔs |
|
Imparisyllabiques
Singulier |
||
Cas |
Latin classique |
Latin vulgaire |
Nom., Voc. |
homo |
omo |
Gen. |
hominis |
|
Dat. |
homini |
|
Acc. |
hominem |
omne |
Abl. |
homine |
|
Pluriel |
||
Cas |
Latin classique |
Latin vulgaire |
Nom., Voc. |
homines |
omni |
Gen. |
hominum |
|
Dat. |
hominis |
|
Acc. |
homines |
omnes |
Abl. |
hominis |
|
Des six formes casuelles flectives (Nom., Gen., Dat., Acc., Abl., Voc.) en GR on n’emploie que deux: la forme du Nominatif qui exprime le sens propre au Nominatif et au Vocatif, et la forme de l’Accusatif, qui accumule la valeur de tous les cas obliques.
La tendance à niveler les formes s’accentue au latin vulgaire, par ex., le Nominatif des substantifs imparisyllabiques du III type commence à se former sur le modèle des cas obliques:
Singulier |
Pluriel |
|
Nom. |
bos ® bovis |
bovis |
Acc. |
bovi(m) |
bovi(m) |
La réduction des types de déclinaison
Le latin classique possède cinq types de déclinaison, dont trois premiers sont réguliers: bona aqua, bonus ventus, bonum vinum. En latin vulgaire ces trois types réguliers servent de modèles pour la formation et, donc, de déclinaison, des mots nouveaux qui pénétrent dans la langue (déclinaison par analogique). Les deux autres (la IV et la V déclinaison) tombent en désuétude, vu leur caractère irrégulier.
Le principal processus syntagmatique qui se déroule à l’époque dans le nom est l’emploi de plus en plus fréquent des prépositions afin d’équilibrer la réduction des formes casuelles.Les prépositions (par. ex., ad et de)servent à préciser les rapports casuels: au lieu de dire domus patrison préfère domus de patre(m) (Acc.); Dico patri (Dat.) – dico ad patre(m) (Acc). Le génétif est le premier à disparaître dès le Ier s. de notre ère, concurrencé par les constructions avec de et ex.
2. L’adjectif.
Les substantifs ayant perdu le genre neutre, les adjectifs l’ont perdu, eux aussi.
En latin vulgaire les adjectifs peuvent soit avoir deux formes – celle du masculin et celle du féminin (bonus m / bona f, liber m / libra f), soit rester invariables (grandis m / grandis f, tristis m / tristis f, etc.).
Les adjectifs se déclinaient comme les noms du type de déclinaison correspondant.
Masculins
|
Sing. |
Plur. |
Sing. |
Plur. |
Nom. |
bonus |
boni |
fortis |
forti |
Acc. |
bonu(m) |
bonos |
forte(m) |
fortes |
Féminins
|
Sing. |
Plur. |
Sing. |
Plur |
Nom. |
bona |
bonas |
fort(is) |
fortes |
Acc. |
bona(m) |
bonas |
forte(m) |
fortes |
Les degrés de comparaison
Dès les premiers siècles de notre ère les degrés de comparaison se forment de plus en plus souvent à partir des constructions analytiques avec les adverbes plus, magis: plus dulce, plus popularis, magis praeclarum. Rappelons que le latin classique y employait des suffixes (procédé synthétique):celui du comparatif -ior et celui du superlatif -issimus (fortis – fortior – fortissimus).
Certaines formes supplétives (synthétiques) du comparatif subsistent: melior, peior, maior, junior.
3. Les pronoms.
En latin classique le système de pronoms déterminant le nom était très riche. Les pronoms se déclinaient, possédaient les catégories du genre et du nombre.
Les principaux changements que les pronoms ont subis sont les suivants:
A. Les pronoms (personnels, démonstratifs et interrogatifs) réduisent leurs formes casuelles: vers le Ve s. de n. ère ils n’ont que trois cas: le Nominatif, l’Accusatif et le Datif, par ex.:
Nom. |
ego > eo > io > ie, je |
tu |
Dat. |
mihi > mi |
tibi > ti |
Acc. |
me > me |
te > te |
B. Beaucoup d’anciens pronoms sont tombés en désuétude.Par exemple, en latin classique il y avait 5 pronoms démonstratifs: ille, iste, ipse, is, hic. Le latin vulgaire raccourcit cette série et n’en garde que trois: ille, iste, hic. La forme du genre neutre hoc est devenue une particule affirmative dans la langue provençale, c’est pourquoi au Moyen Age le provençal était appelé langue d’oc.
C. En latin vulgaire le pronom démostratif ille, illa accompagne de plus en plus souvent le substantif. Plus tard cet emploi deviendra régulier et le pronom se transformera en article: ille locus «(то) место».
D. Le même pronom démostratif ille, illa vient remplir la lacune dans le système de pronoms personnels en latin classique qui n’avait pas de pronom pour désigner la 3-ème personne du singulier; ce démonstratif marque en latin vulgaire la troisième personne du singulier: ille … inquit «он сказал».
E. L’emploi des pronoms personnels auprès des formes verbales devient plus fréquent, bien que les formes verbales possèdent encore des flexions ce qui est suffisant pour exprimer et marquer les catégories grammaticales du verbe (personne, nombre, temps, mode): sequimur nos … «мы следуем»; ego stupeo «я цепенею».
4. Le verbe.
En ce concerne les changements paradigmatiques ils se manifestent par:
– la réduction des formes verbales non personnelles;
– la réduction des formes verbales personnelles;
Cette dernière revêt deux formes:
– la réduction des formes verbales temporelles;
– la refaite et la réduction des formes verbales de la catégorie de la voix;
– la refaite du système de conjugaison.
La réduction des formes verbales non personnelles
Plusieurs formes verbales non personnelles du latin classique ne sont plus employées en latin vulgaire.
Formes non personnelles |
Latin classique |
Latin vulgaire |
Infinitivus |
Infinitivus praesentis activi/passivi Inf. perfecti passivi Inf. futuri activi / passivi |
Infinitif présent |
Participium |
Participium praesentis activi Participium praesentis passivi Participium futuri activi Participium perfecti passivi |
Participe présent
Participe passé |
Gerundium
|
Gerundium
|
Gérondif, Abl. |
Supinum |
Supinum I, II |
– |
Ainsi de 12 formes classiques en latin vulgaire il n’y a que quatre.
Les sphères d’emploi de certaines formes deviennent plus restreintes (par ex. celle de participium praesentis ou de gerundium).
La réduction des formes verbales personnelles
La réduction des formes verbales temporelles
Dans l’expression de la catégorie du temps on observe la réduction des formes temporelles: de 10 formes latines il n’en reste que cinq en latin vulgaire qui sont considérées comme synthétiques = étymologiques: le présent, l’imparfait et le parfait (passé simple) de l’indicatif et le présent et l’imparfait du subjonctif. On observe donc une importante réduction de formes synthétiques.
La disparition de formes verbales est due à la coïncidence phonétique de ces formes. Ainsi, les changements d’ordre phonétique (l’usure phonétique) entraînent-ils des modifications d’ordre morphologique:
Formes verbales |
Latin classique |
|
Latin vulgaire |
Plusquamperfectum ind. Act. |
cantaveram |
> |
cantare |
Futurum II ind. Act. |
cantavero |
> |
cantare |
Imperfectum conj. Act. |
cantarem |
> |
cantare |
Perfectum conj. Act. |
cantaverim |
> |
cantare |
La refaite et la réduction des formes verbales de la catégorie de la voix
La tendance à l’analytisme se manifeste avant tout dans la formation de la voix passive.
En latin classique la catégorie de la voix passive pouvait être exprimée par deux types de formes – synthétiques et analytiques. Le latin vulgaire tend à refaire ce système et le rendre plus simple, homogène, unifié. A cette fin il privilégie comme modèle à suivre le type analytique de formation de la voix passive, par ex.:
Temps |
Latin classique 3 pers. sing. |
Latin vulgaire 3 pers. sing. |
Present |
ornatur |
> ornatus est |
Imperf. |
ornabatur |
> ornatus erat |
Futurum |
ornabitur |
> ornatus erit |
Perfectum |
ornatus est |
> ornatus fuit |
Plusquam. |
ornatus erat |
> ornatus fuerat |
Fut. II |
ornatus erit |
> ornatus fuerit |
La formation de la voix passive est devenue plus régulière, plus homogène, plus simple.
Cette tendance paradigmatique à l’analytisme va de pair avec les mutaions d’ordre syntagmatique.
La refaite du système de conjugaison
A. En latin vulgaire les verbes changent souvent de conjugaison par analogie des formes. Seuls les infinitifs en -are et -ire sont plus ou moins stables.
B. Les formes les plus répandues et les plus régulières étant celles de la 1ière conjugaison en -are les nouveaux verbes se forment sur le modèle de celle-ci: mandic-are. Bien plus, les verbes existant déjà dans la langue se refont sur ce modèle régulier: canere > cantare, saltare > salire. Les verbes esse, velle, posse reçoivent aussi la flexion -re : èssere, volère, potère (ayant pris le radical vol et pot par analogie avec les formes de parfait volui, potui).
C. Dans la 4 ième conjugaison latine en -ire il apparaît à l’indicatif présent un nouveau suffixe -sc- par analogie avec les verbes incohatifs de cette même conjugaison: finio Þ finisco. La nouvelle forme a perdu la valeur incohative.
Le système verbal du latin vulgaire a perdu beaucoup de formes synthétiques (les changements d’ordre paradigmatique). Pour ce qui est des acquisitions, elles sont toutes analytiques d’origine romane (changements d’ordre syntagmatique).
Les changements d’ordre syntagmatique se présentent comme des formations analytiques d’origine romane. Les plus importantes sont:
– une nouvelle forme du futur;
– une nouvelle forme pour exprimer l’achèvement de l’action.
Une nouvelle forme du futur
Les nouvelles formes du futur – constructions analytiques «infinitif + habeo» apparaissent: daras < dare + habes. La construction avec le verbe habeo devient très usitées; mais ses composantes se placent encore librement dans la proposition.
Une nouvelle forme pour exprimer l’achèvement de l’action
En latin vulgaire il se répand une périphrase exprimant le résultat de l’action habeo + participium perfecti passivi: habeo epistulam scriptam. Les composantes de cette périphrase se placent encore librement dans la proposition. C’est le début de la formation des formes verbales analytiques en français. Peu à peu sur son modèle se formeront le plus-que-parfait, l’infinitif et le participe passés composés. Plus tard ce tour deviendra une unité morphologique dont les éléments perdront toute indépendance grammaticale.
II. Les particularités de la syntaxe du latin vulgaire.
Des changements importants sont observés à tous les niveaux de la syntaxe:
– groupes de mots;
– proposition simple (indépendante);
– phrase (propositions juxtaposées, coordonnées, subordonnées);
En latin classique l’ordre des mots est libre. La fonction syntaxique du mot dans la proposition est marquée par des flexions. En latin vulgaire l’ordre des mots est aussi libre, la langue disposant encore des flexions pour marquer les fonctions syntaxiques du mot.
Le système de conjonctions s’est réduit considérablement.
Le groupe de mots
En latin classique le déterminant précède le déterminé: fratris liber. Ces particularités diffèrent le latin classique du français où l’ordre des mots est inverse: le déterminé précède le déterminant: le livre du frère. Les début de cette inversion sont attestés en latin vulgaire: fratris liber LCl Þ liber fratris LV Þ liber de fratre AF Þ le livre du frère FM.
Dans le groupe de mots aussi bien que dans la proposition simple les rapports syntaxiques s’expriment de plus en plus souvent à l’aide des moyens analytiques, c.-à-d., à l’aide des prépositions, par ex., tempulum marmoreum > tempulum de marmore.
La proposition simple (indépendante)
La construction de la proposition devient simplifiée, son volume diminue.
Dans la proposition interrogative les particules spéciales ne, num ou nonne ne s’emploient pas régulièrement; très souvent la question est posée à l’aide de l’inversion ou de l’intonation: venit ne amicus ? LCl > venit amicus ? LV. Le nombre de tours et de mots interrogatifs diminue.
Les tours syntaxiques «Accusativus cum infinitivo» et «Nominativus cum infinitivo» sont remplacés par les propositions subordonnées avec les conjonctions quod, quia: scis enim quod dedi epulum «знаешь, что я устроил пир».
La langue privilégie la proposition simple et y recourt largement au détriment de la proposition complexe (phrase).
La phrase (propositions juxtaposées, coordonnées, subordonnées)
La phrase (proposition complexe) subit une simplification considérable. La coordination se développe au détriment de la subordination, les propositions juxtaposées ne sont pas rares.
La réduction du système de conjonctions
Plusieurs conjonctions de coordination latines disparaissent (ac, atque, que, sive, vel, seu, etc.). Il n’en reste que et > et fr.; nec > ne, ni fr.; aut > ou fr., magis > mais fr.
Beaucoup de conjonctions de subordination latines étant tombées en désuétude, la quantité de conjonctions est donc restreinte en latin vulgaire: quando, quomodo, quare, quod, quia. Les conjonctions deviennent polyvalentes, par ex.: quod assume les fonctions des anciennes conjonctions ut, cum, quam.
Questions ( * - questions demandant des reflexions)
I. Quelles sont les principales tendances morphologiques qui caractérisent le latin vulgaire?
1. * Le nom en latin vulgaire possède-t-il les mêmes catégories grammaticales que le nom en français moderne?
Pourquoi cas neutre n’a-t-il pas survécu en latin vulgaire?
* Comment se sont répartis les anciens neutres?
Combien de cas le système de déclinaison a-t-il perdus?
Pourquoi le système casuel s’est-il réduit? Quelles en sont les causes?
* Par quel moyen analytique la langue a-t-elle recompensé la diminution et la perte des formes flectives ?
2. Quels sont deux groupes d’adjectifs en latin vulgaire?
* Les adjectifs fort, grand sont-ils variables en genre en français moderne? L’étaient-ils en latin vulgaire? Pourquoi?
* Y a-t-il des adjectifs invariables en français moderne? Sont-ils les mêmes qu’en latin vulgaire?
Comment se forment les degrés de comparaison des adjectifs en latin vulgaire?
3. Combien de formes casuelles les pronoms ont-ils gardées ?
* Pourquoi au moyen âge l’idiome parlé au Sud de la France était-il appelé «langue d’oc»?
En quelles parties du discours le démonstratif ille, illa se transformera-t-il?
Pourquoi en français moderne la première valeur de l’article défini est-elle démonstrative?
4. Quels sont les changements paradigmatiques qui se sont produits dans le système verbal du latin vulgaire? Quelles en sont les causes?
Quels sont les changements syntagmatiques qui se sont produits dans le système verbal du latin vulgaire?
* Quelles sont les formes – synthétiques ou analytiques – que le verbe a perdu en plus grand nombre?
* Y a-t-il des formes verbales synthétiques en français moderne? Pourquoi sont-elles appelées «étymologiques»?
Comment ont débuté le futur simple et le passé composé?
II. Est-ce que les changements ont touché tous les niveaux de la syntaxe?
Qu’est-ce qui diffère le groupe de mots en latin classique et en latin vulgaire?
Par quoi sont remplacés les anciens tours latins «Accusativus cum infinitivo» et «Nominativus cum infinitivo»? * Pourquoi?
Quel type de phrase le latin vulgaire privilégie-t-il?
Pourquoi et comment le système de conjonctions a-t-il diminié?
Devoirs
1. Définissez:un changement paradigmatique / synthagmatique, une flexion, un cas, une forme casuelle ( = flective), parisyllabique / imparisyllabique, l’analytisme (forme analytique), le synthétisme (forme synthétique), une déclinaison, une conjugaison, l’étymologie (étymologique), une forme verbale personnelle / non personnelle, un groupe de mots, une proposition simple, une proposition complexe (= une phrase), une proposition juxaposée, coordonnée, subordonnée.
2. Analysez le schéma présentant les terminaisons des noms en latin classique et dites pourquoi il n’y avait pas de corrélation entre la catégorie du genre et les formes de son expression (voir I. 1.):
Masculin |
Féminin |
Neutre |
lupus |
fraxinus |
|
canis |
apis |
|
frater |
mater |
|
athleta |
tabula |
labra (pl.) |
3. Trouvez dans la déclinaison les formes casuelles où la confusion serait due à la réduction des consonnes finales; à la disparition de l’opposition phonologique «voyelle longue / voyelle brève» (voir I. 1.).
L e p r e m i e r type de déclinaison
Singulier |
Pluriel |
||||
Cas |
Latin classique |
Latin vulgaire |
Cas |
Latin classique |
Latin vulgaire |
Nom., Voc. |
rosă |
rosa |
Nom., Voc. |
rosae |
rosae (-as) |
Gén. |
rosae |
------- |
Gén. |
rosārum |
------- |
Dat. |
rosae |
------- |
Dat. |
rosīs |
------- |
Acc. |
rosam |
rosa(m) |
Acc. |
rosās |
rosas |
Abl. |
rosā |
------- |
Abl. |
rosīs |
------- |
4. Les tendances analytiques restent très fortes même dans le français d’aujourd’hui, par ex., le français contemporain (surtout le français parlé) tâche d’éliminer les formes synthétiques, qui se maintiennent dans le français écrit soutenues par la tradition grammaticale, et les remplacer par des formes analytiques. Donnez des exemples qui confirmeraient cette tendance.
5. Prouvez que la langue est un système, c’est-à-dire, le changement d’un élément phonétique provoque le changement d’un élément morphologique. Pour trouver la réponse analysez les transformations phonétiques survenues dans les formes verbales et expliquez comment elles ont favorisé la coïncidance (donc, disparition) des formes verbales.
Formes verbales |
Latin classique |
|
Latin populaire |
Plusquamperfectum ind. Act. |
cantaveram |
> |
cantare |
Futurum II ind. Act. |
cantavero |
> |
cantare |
Imperfectum conj. Act. |
cantarem |
> |
cantare |
Perfectum conj. Act. |
cantaverim |
> |
cantare |
6. Relevez deux tendances essentielles qui se développent dans le système grammatical du latin vulgaire. La tendance analytique comment se manifeste-t-elle dans la classe de noms, d’adjectifs, de pronoms, de verbes?
Travaux dirigés