LE francais du xvi s.: LE VOCABULAIRE. L’ORTHOGRAPHE.
L’objectif d’étude
Etudier les particularités lexicales et les caractéristiques de l’orthographe de l’époque
Donnez la définition des termes suivants:
La dérivation propre / impropre, l’emprunt, un doublet étymologique, les signes diacritiques (accent aigu, accent grave, accent circonflexe, la cédille, le tréma), la terminologie
L’apprenant doit savoir: (pris de l’AF)
Les origines (latines, celtiques, germaniques) des changements survenus ou se déroulant à cette époque
Les causes des évolutions se produisant dans la syntaxe et le vocabulaire de l’AF
L’apprenant doit savoir faire: (pris de l’AF)
Expliquer les causes des transformations survenues en AF
Mettre à jour les voies de l’enrichissement du vocabulaire
Déterminer les origines des procédés de formation de mots nouveaux
Analyser les changements linguistiques: retrouver ceux qui sont caractéristiques seulement à l’AF et ceux qui représentent l’évolution des transformations débutées en LV ou en GR; ceux qui se sont achevées en AF et ceux qui vont encore évoluer
Le plan
I. Le vocabulaire du XVIe s.
1. La dérivation.
2. Les changements sémantiques.
3. Les emprunts.
4. La formation de la terminologie scientifique.
II. L’orthographe au XVIe s.
1. Les réformes d’orthographe.
2. L’emploi des signes diacritiques.
I. Le vocabulaire du XVIe s.
L’enrichissement du vocabulaire a été systématiquement recherché pendant tout le XVI e s. qui se distingue du siècle précedent et de celui qui suit par l’épanouissement des lettres, des arts et des métiers, le développement accéléré des sciences.
1. La dérivation.
Le XVI e s. fait un certain effort pour régulariser la dérivation, surtout la suffixation (rappelons qu’en ancien français il existait quantité de suffixes synonymiques s’ajoutant à un même radical). La formation des mots nouveaux s’effectue non seulement d’une façon spontanée, mais devient surtout et avant tout un fait conscient dû à l’œuvre créatrice des savants, des poètes et des prosateurs de l’époque.
Dans la dérivation propre la suffixation est le procédé le plus usité. Les suffixes les plus répandus sont:
-ance, -ence, -té, -ité: vraisemblance(Amyot), acidité (Paré), stupidité (Calvin), etc.;
-tion, -ation, -sion: préoccupation (Montaigne), transfusion (R. Estienne), etc.;
-age: fruitage, etc.;
-ade (suffixe des emprunts italiens et provençaux): barricade, mascarade, etc.;
-eur: réciteur (Du Bellay), ingénieur(Amyot), navigateur (Baïf), etc.;
-able, -ible, -ique (suffixes des adjectifs): plausible, tragique (Rabelais), etc.;
-ment: fourmillement(Paré), etc.
Ce dernier suffixe est aussi très productif dans la formation des adverbes: passionnément, malignement, manuellement, etc.
Les suffixes diminutifs restent en vogue, on les ajoute aux noms communs et aux noms propres: laid > laidereau, enfant > enfançon, noir > noirton, chasseur > chasseurot, agneau > agnelet, Yves > Yvonet, Jasques > Jacquelot, etc.
Parmi les préfixes, me(s)- et mal- sont très fréquents: malappris, malentendu, etc.
Les verbes se forment souvent avec les préfixes et les suffixes à la fois: ruban > enrubanner, sombre > assombrir, amas > ramasser, etc.
La composition est très féconde au XVI e s.: cache-nez, porte-drapeau, pot-de vin, etc.; les adverbes composés sont aussi très usités: de pied en cap, de coutume, etc.
La dérivation impropre et, notamment, la substantivation de l’infinitif est très importante au XVI e s.: le parler ( = discours), le partir ( = départ), etc.
2. Les changements sémantiques.
Dans les séries synonymiques la langue perd un mot et garde un autre: flum a disparu, évincé par rivière; ost est remplacé par armée, etc.
3. Les emprunts.
Le XVIe s. est marqué par la prépondérance de l’Italie dans presque tous les domaines en raison de sa richesse économique, sa puissance militaire, son avance technologique et scientifique, sa suprématie culturelle, etc.
L’influence culturelle s’est reflétée nécessairement dans la langue française. Des milliers de mots italiens ont pénétré dans le français, notamment des termes se rapportant à la guerre (canon, alarme, escalade, cartouche, etc.), à la finance (banqueroute, crédit, trafic, etc.), aux mœurs (courtisan, disgrâce, escapade, etc.), à la peinture (coloris, profil, miniature, etc.) et à l’architecture (belvédère, appartement, chapiteau, etc.), sans compter les domaines de vêtements, de l’alimentation, de l’équitation, de la musique, etc. Il s’agit d’une véritable invasion de quelque 8000 mots, dont environ 10% sont utilisés encore aujourd’hui. Beaucoup d’écrivains français s’élèvent alors en vain contre cette intrusion dans la langue française et cette manie de s’italianiser à tout prix.
L’emprunt italien augmente le nombre de doublets étymologiques, car les deux langues sont issues de la même racine – le latin. Un même mot latin s’est trouvé à la base d’un vocable italien et d’un vocable français formant ainsi le doublet (on dirait même le triplet étymologique). En voici un exemple:
Latin Italien Français
opera (fém.) → →→→ → œuvre
opera (fém.) → opera → opéra
La langue italienne ayant passé par une autre voie de l’évolution phonétique réintroduit en français des sons et des groupes de sons que ce dernier avait modifié ou éliminé depuis l’époque romane. Par ex., la consonne c devant a s’était transformée en affriqué ch déjà en gallo-roman: campus > champ. Mais avec le mot italien camp cette consonne pénètre en français sans aucune transformation phonétique: camp (it.) > camp (fr.). Ainsi, les emprunts italiens changent considérablement la physionomie phonétique du mot français faisant réapparaître les combinaisons de sons disparues depuis longtemps du phonétisme français.
A l’allemand, le français doit une trentaine de mots isolés: bière (qui a remplacé cervoise), espiègle, danser, sale, etc.; au flamand – paletot, plaque, vacarme, etc.
Au XVIe s., l’époque des dialectes étant révolue, ils continuent à fournir des mots nécessaires au français, mais leur nombre est restreint: hisser (normand), avalanche, glacier (savoyard), etc.
4. La formation de la terminologie scientifique.
L’époque de la Renaissance poursuit le travail du XIV e s. qui a formé la base de la terminologie scientifique. Les sciences humaines, la grammaire, l’histoire, la religion chrétienne réformée par Calvin, la philosophie, ainsi que les sciences exactes s’enrichissent de mots et locutions soit latinisés, soit calqués sur le latin, soit formés par dérivation ou composition, soit enfin emruntés à des langues vivantes.
Le plus grand progrès est fait par la langue de la médecine dont la terminologie est créée par le fameux chirurgien Ambroise Paré (1517-1590), fondateur de l’Ecole de chirurgie à Montpellier: abcès, bronche, létargie, symptome, température, etc.
Les mathématiciens usent encore du latin vu le caractère très abstrait de leur science, mais il se constitue aussi peu à peu un lexique mathématique: parallèle, vertical, etc.
Les sciences humaines reçoivent également un vocabulaire riche, la grammaire et l’art poétique entre autres: consonne, désinence, dictionniare, poésie, psychologie, etc.
La première source de formation des termes scientifiques français reste la langue latine, la deuxième place vient au grec (géographie, télescope, hyprotique, etc.). On emprunte non seulement des vocables, mais aussi des affixes qui viennent s’ajouter à des thèmes français et latins.
Un grand nombre de synonymes caractérise la terminologie de l’époque: ventre (fr. populaire) = abdomen (latin) = epigastre (grec) = mirach (arabe), etc. En plus, les termes scientifiques sont très souvent polysémantiques.
II. L’orthographe.
1. Les réformes d’orthographe.
Au XVI e s. l’orthographe reste compliquée, malgré les efforts de certains savants de la rationaliser. Il n’existe pas d’unité dans la notation. Un même mot est transcrit de diverses manières par différents écrivains, imprimeurs, copistes: vré, vrè, vrey, vray, etc. L’intérêt porté à l’époque de la Renaissance aux études philologiques et, en particulier, à celles des langues classiques (le latin, le grec, l’hébreu) a des conséquences parfois désastreuses pour l’orthographe française. Mais peu à peu l’orthographe commence à se fixer.
Nombreuses sont les tentatives des imprimeurs, des grammairiens et des écrivains d’améliorer le système de l’orthographe française.
Deux tendances s’affrontent alors.
La première, celles des réformateurs, est de rapporter le plus possible l’écriture à la prononciation, se traduit par des tentatives en faveur d’une orthographe quasi phonétique (Peletier du Mans, Louis Meigret).
Le plus grand rôle revient au grammairien L. Meigret qui commence par une critique du système existant.
Meigret expose son propre système de notation fondé sur les principes phonétiques, qu’il met en œuvre d’ailleurs dans certains de ses ouvrages. Le grammairien propose de supprimer les lettres qui ne sont pas prononcées (tems pour temps, qe pour que, etc.), les diphtongues, excepté celles qui subsitent encore à cette époque (eo pour eau, etc.), les consonnes finales; de distinguer à l’aide des signes le timbre des voyelles (é,ę), etc. En même temps, L. Meigret ne touche pas à h, garde les deux lettres représentant un même son k et q, ne distingue pas u et v, etc.
Parmi les successeurs de L. Meigret il faut mentionner Ramus dont l’orthographe marque un progrès réel sur celle de Meigret. Toute lettre non prononcée disparaît, les signes inutiles sont supprimés, les groupes de lettres destinés à exprimer un son unique écartés et remplacés par un signe simple, etc.
La seconde tendance, conservatrice et latinisante, s’appuie sur l’importance d’une image graphique accoutumée, des rapprochements étymologiques (elle pousse, par ex., à restituer des consonnes doubles disparues en ancien français (flamme pour flame, sur le latin flamma), des rapports morphologiques dans les familles de mots (temps parce que temporel) et la distinction des homonymes (compte / comte). Les graphies compliquées se réclamant du latin, parfois d’une fausse étymologie abondent dans les manuscrits et les œuvres imprimées. Les conservateurs ne reniaient pas toutefois la nécessité de certaines innovations orthographiques.
Les adversaires de l’orthographe phonétique sont de beaucoup plus nombreux (Estienne Pasquier, Robert et Henri Estienne, etc.) que les réformateurs; ceux-ci perdent la bataille.
2. L’emploi des signes diacritiques.
Or, pour le XVI e s., le premier des études philologiques, le problème d’une orthographe rationnelle et unifiée a une importance capitale. C’est surtout avec le développement de l’imprimerie qu’un usage orthographique plus strict s’impose.
Les imprimeurs commencent, quoique irrégulièrement, à utiliser les accents et d’autres signes diacritiques:
– on introduit la cédille pour distinguer la lettre c prononcée [k] de celle prononcée [s];
– on a recours aux accents (accent grave et accent aigu) pour distinguer e ouvert et e fermé, la préposition à et le verbe a (avoir); accent circonflexe pour marquer la durée apparue à la suite de la chute de s et de l en hiatus (teste > tête);
– le tréma pour désigner une voyelle en hiatus;
– l’apostrophe en cas d’élision;
– le trait d’union pour les mots composés.
On se sert également de j pour noter i consonantique (ioug > joug), de v pour u consonantique (uin > vin) qu’on appelle lettres «ramistes» parce qu’elles sont appliquées par Ramus.
Finalement, de toutes les propositions tendant à simplifier et à unifier l’orthographe française, le XVI e s. n’a retenu que quelques signes diacritiques et encore ne les applique-t-il que d’une manière irrégulière.
Les conservateurs adeptes de l’orthographe traditionnelle ayant pris le dessus sur les réformateurs, l’orthographe française reste essentiellement historique et étymologique, voire parfois arbitraire.
Questions
I. Pourquoi le vocabulaire s’enrichit-il essentiellement de mots au sens abstrait?
Quelle est la langue européenne à laquelle le français de l’époque emprunte en premier lieu? Pourquoi cette langue?
A quelles activités ont trait les emprunts aux langues vivantes telles l’espagnol et l’italien ?
A quels domaines se rapportent les emprunts aux langues mortes telles le latin et le grec ?
Par quoi peut-on expliquer que le système lexical du français n’est pas hétérogène, c’est-à-dire que les radicaux et les affixes français côtoient avec les radicaux et les affixes savants ?
Qui crée les mot nouveaux au XVIe s. ?
II. Au XVIe s. y avait-il des règles d’orthographe strictes et précises? Pourquoi?
Quel est le rôle de l’imprimerie dans les tentatives de régler les normes d’orthographe?
La réforme d’orthographe proposée par L. Meiget, n’est-elle pas contradictoire?
De deux réformes d’orthographe proposées au XVIe s. laquelle a été adoptée finalement par la langue française ?
Devoirs
Commentez les propos de L.Meigret: «Nous escriuons ung langage qui n’est point en usage, et usons d’une langue qui n’a point d’usage d’escriture en France».