LE FRANÇAIS DU XVIe s.: L’HISTOIRE EXTERNE
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Module VI

Le XVI siècle

 

Les objectifs d’étude

Etudier l’histoire externe de l’évolution du français au XVIe s.

Apprendre les particularités linguistiques du français du XVIe s.

 

L’apprenant doit savoir:

 

Les limites temporelles de l’époque étudiée

Les termes lingistiques employés dans le Module

Les conditions historiques dans lesquelles évoluait la langue française (l’histoire externe)

Les principaux genres et oeuvres littéraires du XVIe s.

Les principaux changements phonétiques, grammaticaux et lexicaux de l’ancien français (l’histoire interne)

Les principaux tendances grammaticaux de l’époque (l’histoire interne)

L’évolution du vocabulaire de l’ancien français (l’histoire interne)

 

L’apprenant doit savoir faire:

Analyser les principales tendances phonétiques, morphologiques, syntaxiques, lexicales

de l’époque

Etablir les relations structurales entre les changements linguistiques tenant compte que la langue est un système

Etablir les origines des changements survenus ou se déroulant à cette époque

Déterminer les causes des processus phonétiques, morphologiques, synthaxiques et lexicales de la période étudiée

Mettre en rapport les faits historiques (externes) et les faits linguistiques (internes)

 

Les travaux dirigés

 

LE franÇais  du  xvie s.: l’histoire externe

 

L’objectif d’étude

Etudier les conditions historiques dans lesquelles le français évoluait au XVIe s.

 

Donnez la définition des termes suivants:

La Renaissance, la Pléïade, l’humanisme, une élégie, un hymne, une épopée, une ode, une comédie, une tragédie, un sonnet, une nouvelle

 

L’apprenant doit savoir:

Les limites temporelles de l’époque étudiée

Les principaux événements historiques de l’époque (l’histoire externe)

La portée historique de l’Ordonnance de Villers-Cotterêts

L’oeuvre de la Pléïade

L’oeuvre des premiers grammairiens français

 

L’apprenant doit savoir faire:

Analyser l’influence des faits d’ordre social, politique, économique sur l’évolution de la langue

Présenter l’oeuvre de la Pléïade

Expliquer les raisons de l’expansion du français au détriment du latin

 

Le plan

I. L’histoire externe: les conditions historiques en France au XVIe s.

1. Les changements de structure économique, politique, sociale et culturelle.

2. Les guerres d’Italie (1494 – 1559).

3. La Renaissance.

4. L’humanisme.

5. Les guerres de religion (1562 – 1598). La Réforme et la langue.

II. Le français: langue nationale littéraire et écrite.

1. L’Ordonnance de Villers-Cotterêts  (1539).

2. L’expansion du français.

III. Le français comme objet d’étude.

1. Les premiers grammairiens français.

2. La théorie et activité  linguistiques de la Pléïade.

3. «Deffense et Illustration de la langue françoyse».

4. La notion de la norme littéraire.

IV. La littérature.

1. La prose.

2. Le théâtre.

3. La poésie.

 

I. L’histoire externe: les conditions historiques en France au XVIe s.

 

1. Les changements de structure économique, politique, sociale et culturelle.

Des industries nouvelles se créent et connaissent un développement rapide, l’économie capitaliste fait ses premiers pas, les villes se développent. Cet accroissement des affaires profite à quelques privilégiés: les marchands, les entrepreneurs, les banquiers, les hommes de loi, etc. Il nuit à la noblesse terrienne et à la catégorie des artisans et des ouvriers des villes. Avec l’abaissement de la noblesse se confirme la montée de la bourgeoisie. La bourgeoisie soutient les rois qui y voient un moyen de réduire l’influence des féodaux. La montée de la nouvelle classe est surtout facilitée par le mouvement général d’expansion qu’ont suscité les grandes découvertes augmentant les activités commerciales et industrielles. La bourgeoisie prend pied non seulement à la ville, mais à la campagne aussi. Elle accapare des terres que certains nobles réduits à la pauvreté sont contraints de vendre. Les riches roturiers achètent au roi des titres de noblesse et parviennent parfois à des postes très élevés. Les valeurs bourgeoises d’argent et de mérite sauront, grâce à cet essor, pénétrer progressivement dans la culture.

Le tiers état a besoin de la main-d’oeuvre et des débouchés à l’intérieur et à l’extérieur du pays. Ceux-ci lui sont fournis à la suite des nombreuses guerres extérieures, en particulier celles  d’Italie. Ainsi coïnciendent les intérêts de la bourgeoisie montante avec ceux des rois qui tiennent à affirmer leur puissance.

La plupart des provinces se trouvent réunies sous le pouvoir royal.

Parallèlement, le sentiment d’appartenir à une nation devient de plus en plus vif dans la population: les Français sont réunis dans des guerres désormais nationales (contre l’étranger, et non plus contre tel ou tel duché français). Ils sont liés par une langue qui s’unifie d’un bout à l’autre du royaume (l’Ordonnance de Villers-Cottêts impose peu à peu la langue française à la place des parlers dialectaux) et rassemblés autour d’un roi, grâce à quoi les Français prennent conscience, comme les peuples voisins, de leur unité nationale. Ainsi la France est unifiée et centralisée sous l’égide de la monarchi absolue. Au XVIe s. la monarchie absolue se dévoloppe progressivement, les administrations royales s’installent dans toute la France, réorganisées et centralisées, grâce à l’unification des codes de lois locaux (rédigés jusque-là en latin) en un seul code exprimé en français reconnu dans tout le royaume (l’Ordonnance de Villers-Cottêrets de 1539).

Des changements s’opèrent aussi dans les structures sociales. La population reste rurale à plus de quatre-vingts pour cent, mais vit un peu mieux. La population urbaine s’accroît rapidement: Paris compte 300 000 habitants, Lyon et Rouen 100 000; d’autres grandes cités attirent elles aussi toutes les activités commerciales et industrielles du royaume. C’est le pouvoir économique qui désormais remplace le pouvoir féodal.

Les conditions de vie s’améliorent, les transformations culturelles sont aussi importantes.

Le développement des villes entraîne un changement dans le niveau d’instruction de la population. Au moyen âge, l’enseignement était essentiellement religieux, dispensé par l’Eglise et fondé principalement sur la connaissance de la théologie (lecture des textes sacrés, etc.). Les citadins du XVIe s. ont d’autres besoins: écrire, lire et compter, bien sûr, mais aussi s’informer sur ce qui se fait ailleurs; ils cherchent à s’ouvrir à un monde commercial de plus en plus vaste, à inventer de nouvelles techniques (de commerce, de fabrication). Ainsi, à côté des grandes facultés traditionnelles, les villes créent des collèges (équivalent du système moderne d’enseignement secondaire), écoles plus accessibles aux élèves que les universités (grâce à un système de bourses, d’internats); des professeurs d’une culture plus ouverte (ils pratiquent le latin, mais aussi le grec, l’hébreu, l’arabe) que les maîtres de l’université y enseignent.

La culture écrite ne touche qu’une très faible proportion de la population française: une minorité d’enfants est scolarisée, l’analphabétisme est de règle dans les couches populaires; seuls les gens d’Eglise, la noblesse et une partie de la bourgeoisie savent lire et écrire. A ce contraste s’ajoute un second: aux villes souvent riches en instruments culturels s’opposent les campagnes beaucoup plus démunies; et il ne faut oublier que la majorité de la population est alors rurale. Ainsi pendant que la monarchie consolide son pouvoir et que la bourgeoisie s’enrichit, le peuple croupit dans la misère et ignore tout des fastes de la Renaissance.

Quant à la vie intellectuelle, elle s’intensifie et se décentralise.

Si la Cour attire bien des artistes, Paris n’est pas encore la France, et l’autre capitale du royaume, Lyon, grand centre marchand, devenu véritable pôle intellectuel entre l’Italie et la France, connaît une vie culturelle particulièrement brillante. Tous les courants de pensée s’y rencontrent, l’esprit réformé qui souffle de Genève, les traditions des troubadours des pays d’oc tout proches, l’influence catholique et néo-platonicienne de l’Italie voisine; beaucoup de livres s’y vendent. En effet, dès 1473, les imprimeurs s’installent dans la cité, et obtiennent des privilèges royaux qui rendent l’édition particulièrement florissante.

Tout le public lettré ne se résume pas donc à celui de la Cour: les écrivains peuvent produire leurs oeuvres loin de la Cour.

 

2. Les guerres d’Italie (1494 – 1559).

À peine maîtres de leur royaume unifié, les rois de France se lancent dans les conquêtes extérieures. Les premières expéditions militaires sont dirigées contre l’Italie et sont entrées dans l’histoire sous le nom «les guerres d’Italie». Ces guerres d’Italie mettent les Français en contact direct avec la Renaissance italienne qui a déjà un siècle d’existence.

Eblouis par cette nouvelle culture, les seigneurs français veulent à leur tour l’établir chez eux. Ainsi, bien que militairement les campagnes d’Italie n’aboutissent pas, sur le plan culturel elles ouvrent une ère de changements très importants. De nombreux Italiens viennent vivre à la cour des rois de France. Le roi François Ier est un des grands introducteurs de la Renaissance italienne en France. De sa campagne d’Italie, il rentre en France accompagné de Léonard de Vinci. Il fait venir à la Cour d’autres grands artistes tels que Le Primatice, B. Cellini. La Cour s’ouvre ainsi aux charmes de la politesse, de l’esprit, aux plaisirs des arts, elle se raffine en s’italianisant.

Les mariages diplomatiques amenent à la cour un grand nombre d’intellectuels, d’artistes et de scientifiques italiens, au sein de l’Église et dans les milieux financiers. Ce sont là des milieux privilégiés d’échanges linguistiques entre l’italien et le français. Il est en effet de bon ton alors de parler la langue italienne ou d’en emprunter des mots.

La langue italienne a exercée une certaine fascination sur les poètes français.

 

3. La Renaissance.

Au début du XVIe s. les arts et les lettres connaissent une véritable renaissance en  France qui suit celle qu’ont connue au siècle précédent les autres pays d’Europe, avec l’Italie à la tête.

Les changements dans le domaine de l’architecture s’inspire des temples grecs et latins. Au moyen âge, l’architecture a glorifié Dieu en bâtissant des cathédrales; les artistes de la Renaissance construisent et décorent les châteaux des princes, ces hommes forts, qui savent incarner l’idéal de leur nation, puissance, beauté, culture, jeunesse. Les châteaux et les hôtels particuliers deviennent de somptueuses résidences: hôtel de Cluny, hôtel du Louvre, châteaux de Fontainebleau, d’Amboise, de Chambord.

Dans le domaine de la peinture c’est l’introduction de la manière picturale italienne, facilitée par la venue en France de peintres comme Léonard de Vinci (1452 – 1519). L’Ecole picturale de Fontainebleau exalte et idéalise la beauté du corps et témoigne du goût de l’époque pour la mythologie, le raffinement et le maniérisme (Dubois, Clouet, Cousin).

En littérature, on débarasse les textes des commentaires postérieurs; on applique la philologie à une exacte connaissance des écrits anciens, on cherche à comprendre les tournures stylistiques latines et grecques non pour elles-mêmes, mais pour en saisir l’esprit et, derrière elles l’esprit même d’une civilisation.

Les hommes de la Renaissance sont, bien sûr, croyants, mais la laïcité trouve peu à peu sa place; ainsi, de plus en plus, le pouvoir politique refuse la tutelle de l’autorité religieuse, celle de la Sorbonne comme celle du Pape.

Enfin la diffusion du livre bouleverse, elle aussi, le contexte culturel au XVIe s. L’imprimerie implantée en France depuis 1469, favorise l’expansion du français. Ainsi le livre se répand très largement non seulement dans les écoles, mais aussi les foires commerciales, sa production est réglementée et protégée.

Des textes anciens resurgissent.

Etant donné que la Renaissance marque un intérêt particulier pour l’antiquité, les traductions d’auteurs anciens abondent on institue un poste spécial pour diffuser ces traductions: imprimeur royal de français. On commente, on traduit ou on adapte des textes anciens dans les domaines littéraires, juridiques, scientifiques. François I fait traduire Homère, Xénophon et d’autres grands écrivains antiques. Erasme traduit deux tragédies du Grec Euripide; Baïf en traduit une autre du Grec Sophocle, Ronsard traduit des fragments d’Aristophane. De la littérature latine, on lit surtout les pièces de Sénèque, chez qui la génération de la Pléïade goûte les discours moraux, la description d’états psychologiques.

J. Amyot (1513-1593) est l’un des plus grands traducteurs du siècle. Hélleniste, il connaît surtout la célébrité grâce à sa traduction de Plutarque, historien grec, dont il traduit en particulier les Vies des hommes illustres. Cette oeuvre exerça une influence importante, non seulement au XVIe s., mais également au XVIIe s.

 

4. L’humanisme.

L’humanisme est défini aujourd’hui comme une «doctrine qui a pour objet le développement des qualités de l’homme » (Petit Larousse). Mais cette notion définit plus particulièrement le mouvement qui unit, au XVe s., les «humanistes» des pays européens. Apparu en Italie dès la fin du XIVe s., où il a donné naissance à une civilisation très raffinée et à une littérature illustrée par Dante, Pétrarque ou Machiavel, l’humanisme se répand en Allemagne, pénètre en Angleterre à la fin du XVe s., et gagne la France sous le règne de Louis XI, prenant un éclat particulier quand François Ier lui donne sa protection.

Le mot humanisme est effectivement bâti sur le mot «homme»: il s’agit de tendre, grâce à l’effort de la raison, vers un modèle de perfection humaine, dans tous les domaines, aussi bien dans celui de la morale, de la politique, des arts. Comment y parvenir? En méditant sur la sagesse antique, ce qui suppose de redécouvrir l’ensemble de la littérature gréco-latine, et, pour cela, de réformer l’enseignement. Ce mouvement touche donc les intellectuels du temps, mais aussi, à travers l’enseignement dont les humanistes se soucient, l’élite cultivée qui fréquente les collèges.

Ce mouvement se caractérise par un esprit de tolérance, mais aussi par un désir de retour aux sources. Les humanistes accomplissent un immense travail de traduction et d’édition de textes antiques. La connaissance profonde des langues anciennes, des modes de pensée grecs et latins, éclaire l’enseignement et la reflexion. L’importance de l’instruction est parfaitement reconnue.

Dans la littérature on  condamne toutes les formes poétiques et dramaturgiques du moyen âge et demande l’imitation des modèles latins, grecs, et italiens. La culture humaniste est ouverte d’autre part aux littératures étrangères contemporaines.

Les voyages des professeurs  et des étudiants d’université en université, et, surtout, la diffusion des livres et des manuels d’enseignement achèvent de diffuser l’humanisme en Europe.

La réflexion pédagogique tient une place importante dans les écrits humanistes. Les principes pédagogiques humanistes: il faut faire progresser l’élève à son rythme, par le dialogue avec le maître. Il faut respecter un équilibre entre disciplines intellectuelles (langues, sciences, musique), physiques (jeux, sports, danse), morales et sociales (religion, règles de la vie sociale). Influencés par la culture antique les professeurs, dans un but pédagogique, prennent l’habitude de faire jouer par leurs élèves des comédies et des tragédies imitées de l’antique et composées en latin.

Pour former l’homme nouveau, les humanistes réforment les collèges (enseignement secondaire et universitaire) A Paris se crée le Collège des lecteurs royaux (1530), qui deviendra le Collège de France: on y enseigne le grec, le latin, l’hébreu, la philosophie, les mathématiques, de façon toute nouvelle par raport à l’enseignement sclérosé de la Sorbonne, qui n’éveille pas l’esprit critique.

 

5. Les guerres de religion (1562 – 1598). La Réforme et la langue.

Le pouvoir de l’Eglise, prédominant au moyen âge, est de plus en plus contesté, parce que des pouvoirs politiques forts existent. Une nouvelle conception de la foi, celle des protestants, naît.

Les protestants désirent profondément la réforme d’une Eglise corrompue.

Amorcée dès le XVe s., cette campagne aboutit à la rupture avec la papauté et la hiérarchie que consomme l’Allemand Luther (1483 – 1546) et que confirme le Français Calvin (1509 – 1564), propagateur de cet esprit en France. Cette crise entraîne, de 1562 à 1598, les guerres de religion qui, opposant catholiques (les «papistes») et protestants (les «huguenots»), mettent à mal la prospérité, l’unité, voire l’indépendance du pays. Jean Calvin se retrouve à la tête des réformés de Genève dès les années 1540, devient le chef de cette nouvelle Eglise qu’il dirige et organise jusqu’à sa mort, en 1564. Les thèses religieuses calvinistes se répandent en France. Elles influenceront la plupart des penseurs et des artistes de l’époque et des siècles suivants.

Henri de Navarre, prince protestant, mais héritier de la couronne et seul susceptible de préserver l’unité et l’indépendance de la France, est sacré à Chartres en 1594 et entre dans Paris. Le premier Bourbon, Henri de Navarre se convertit au catholicisme et devient le roi Henri IV. En 1598, il promulgue l’Edit de Nantes, qui assure la liberté de conscience et la liberté civile aux protestants. La coexistence pacifique s’établit entre les catholiques et les protestants.

 

La Réforme et la langue

La Réforme adopte la langue française.

En 1541 paraît L’institution de la religion chrestienne (Christianae religionis institutio) de J. Calvin «composée en latin par Jean Calvin, et translatée en françois par luymesme». Dans ce premier ouvrage théologique en langue française il jette les bases de la religion protestante. L’institution de la religion chrestienne a été rééditée plusieurs fois.

A mesure que Calvin revoit son texte, il adopte une expression plus dégagée de la forme latine, soit pour la syntaxe, soit pour le vocabulaire: cogitation cède la place à la pensée, tout comme sapience à sagesse, et la proposition infinitive nous croyons ceste estre la vie éternelle, cognoistre…, est remplacée par une conjonctive nous croyons que c’est la vie éternelle de cognoistre un seul vray Dieu; etc. Calvin insiste sur la simplicité nécessaire de la langue, parce qu’il faut être compris de tous. Une autre oeuvre de Calvin, Le Traité des Reliques témoigne du souci d’une langue simple, d’une pensée solidement articulée, cette méfiance vis-à-vis des pures recherches formelles.

Clément Marot traduisit les Cinquante premiers Psaumes en français; cette traduction sert de livre de prières à toute l’Eglise réformée. Adoptée par les calvinistes, elle connaît une énorme diffusion.

Les auteurs protestants composent de nombreux traités en prose pour établir la doctrine de leur religion et la faire propager en langue française.

Ainsi, la religion réformée participe à l’expansion de la langue française. En France même, d’une part, car les protestants lisent la Bible et célèbrent leur culte en français, à la différence des catholiques; à l’étranger, d’autre part, car, fuyant les persécutions, des protestants de langue française s’installent à Genève et aux Pays Bas.

 

II. Le français: langue nationale littéraire et écrite.

 

1. L’Ordonnance de Villers-Cotterêts  (1539).

 

Avant le XVIe s. la langue officielle de l’Etat français était le latin. Bien que depuis le XIVe s. le français soit admis dans l’administration et le tribunal, mais ses droits ne sont pas fixés. La lutte pour l’unité du royaume qui aboutit à la formation de l’Etat national français contribue à l’expansion accélérée du français («langue du roi») sur le territoire de France. En plus, l’expansion du français se trouve renforcée grâce aux conflits militaires: les rois ont désormais une armée permanente et ces immenses brassages de la population mâle causés par les guerres ne peuvent que favoriser le français auprès des soldats. Il ne faut pas oublier qu’avec ses 15 millions d’habitants, la France reste le pays le plus peuplé et le plus riche en Europe, ce qui contribue à asseoir son autorité et à promouvoir sa langue.

Les rois français mènent une politique en faveur du français, ce qui explique également l’expansion du français à cette époque: pour la première fois en France, une importante ordonnance royale, l’Ordonnance de Villers-Cotterêts(le 15 août 1539), traitant de la langue, est signé.

C’est dans son château de Villers-Cotterêts que François Ier signa l’édit qui impose le français comme langue administrative au lieu du latin dans la rédaction des jugements et des actes notariés. Ainsi, l’usage du «langage maternel françois» est rendu obligatoire, l’emploi du latin est interdit.

 

2. L’expansion du français.

Dès lors, le latin ayant reçu double coup (du côté de la Réforme et du pouvoir royal avec l’Ordonnance de Villers-Cotterêts), ses jours sont comptés, bien que l’Église catholique continue à tenir le latin dans le culte et l’enseignement.

L’Ordonnance de Villers-Cotterêts fait du français la langue de l’État, mais elle n’est point dirigée contre les parlers locaux. A cette époque la plupart des Français ne parlent pas le français, mais leur langue régionale appelée patois. C’est dans ces langues que les prêtres s’adressent à leurs ouailles. Lorsque les enfants vont dans les écoles de village, c’est également dans ces langues qu’ils apprennent les préceptes de leur religion et parfois certains rudiments d’écriture. On ne parlait français qu’à Paris et au sein des classes aristocratiques du nord de la France. Néanmoins, entre 1450 et 1550, les langues d’oc disparaissent des archives administratives et judiciaires dans le Midi de la France.

Quant aux dialectes de la langue d’oïl, ils passent au rang des patois, et les différences dialectales commencent à s’effacer peu à peu sous la forte influence du français. La littérature en dialectes, abondante en ancien français, disparaît elle aussi.

Les auteurs s’efforcent de faire du français un outil de diffusion des connaissances et s’en servent comme d’un instrument de vulgarisation. La soif de connaissance qui se manifeste au XVIe s. entraîne la multiplication des ouvrages de science. Ils sont souvent écrits en latin. Mais de plus en plus, le latin est abandonné au profit du français qui prend petit à petit le statut de langue du savoir. Les savants préfèrent les rédiger en français, accessibles au plus large public, notamment des mathématiciens, des chimistes, des médecins, des historiens et des astronomes. En voilà des exemples: les traités sur la chirurgie d’Amboise Paré, sur l’astronomie de J. P. Mesmes, sur la géométrie de Ch. Bovelles, les écrits du philosophe et grammairien P. de la Ramée dit Ramus, etc. Son enrichissement est en partie la conséquence d’une telle évolution, grâce à l’apport  d’un vocabulaire savant ou technique.

La première institution d’enseignement à employer le français est le Collège des lecteurs royaux (1530), le futur Collège de France, où Ramus, ensuite le mathématicien Forcadel font leurs cours en français. Cependant, ce sont là des faits exceptionnels. Le latin quoique passé au deuxième rang, n’est pas encore totalement éliminé de l’enseignement.

Le français commence à s’introduire, bien que difficilement, dans l’enseignement supérieur. La médecine est la première matière à être enseignée en français, à l’université, au début du XVIe s. Mais le latin demeure, en France, la langue des deux grandes institutions détenant le savoir, l’Eglise et l’Université (la Sorbonne, à Paris).

 

III. Le français comme objet d’étude.

 

1. Les premiers grammairiens français.

Au XVIe s. la langue apparaît en pleine évolution. Elle s’ébat en toute liberté, encore peu entravée par les rigueurs de la grammaire, encore peu assujettie aux règles de l’orthographe. Mais la nécessité de la promotion du français est ressentie, car, pour assumer le rôle de langue officielle d’état, le français doit se perfectionner tendant à normaliser et unifier sa prononciation, ses formes grammaticales et son vocabulaire.

La réflexion philologique, qui s’intéresse au fonctionnement de la langue, grecque, latine, hébraïque, se développe. Mais le français attire incontestablement une attention particulière.

Pour la première fois dans l’histoire de la langue française les problèmes linguistiques suscitent l’intérêt des gens lettrés de l’époque, la langue française elle-même devient l’objet des études spéciales. Apparaissent les premiers ouvrages scientifiques portant sur le français, par ex., en 1565 Estienne publie Traté de la conformité du langage français avec le grec;  en 1578 apparaissent les Dialogues du nouveau langage français italianisé du même auteur.

 Trois problèmes sont discutés dans les écrits philologiques de l’époque:

– les origines de la langue française;

– la consitution de sa grammaire et la règlementation de son orthographe;

– le rôle du français littéraire.

 

Les origines de la langue française

Quant aux origines de la langue française, il y avait des grammaisrins qui estimaient que le français est issu du latin «déformé», «corrompu». D’autres l’attribuaient au mélange des langues celtiques, latine et germaniques.

 

La consitution de la grammaire et la règlementation de l’orthographe

Le français ayant acquis le statut de langue nationale, employée donc largement, doit élaborer ses règles de grammaire, de prononciation et d’orthographe, communes pour tous ses usagers. C’est pourquoi les érudits de l’époque font des efforts pour constituer une grammaire française.

Les premières grammaires de la langue française apparaissent d’abord à l’étranger (par ex., la grammaire de Palsgrave en Angleterre en 1530).

La première grammaire créée en France est celle de Jacques Dubois, connu sous son nom latin de Sylvius Ambianus (1478 – 1555). Son ouvrage, écrit en latin et sur le modèle des grammaires latines, paraît en 1531 et présente une description du français en deux parties, la première comportant une phonétique historique et la deuxième consacrée à la morphologie. C’est une grammaire du français «rapporté au latin», se basant sur les formes et valeurs latines, donc une grammaire étymologique. En latiniste fervent, J. Dubois défend les formes latines remontant directement au latin tels tu ames, il amet; le supin, etc. Il reconstitue en français trois genres, tous les cas latins, quatre conjugaisons, etc. Son mérite est d’avoir eu recours au témoignage des dialectes et d’avoir fait la distinction entre les mots savants et populaires.

Le plus grand et le plus original grammairien de l’époque, fin connaisseur du français, est Louis Meigret. Au début de son activité il propose son système de réforme orthographique. Dans son célèbre ouvrage Tretté de la grammere françoeze qui date de 1550 il se pose pour but de décrire et de fixer l’usage. Meigret y proteste contre l’asservissement du français par le latin. Le savant ne se contente pas de décrire l’usage, il essaie de comprendre et d’expliquer les faits linguistiques. Par ex., dans son chapitre consacré au verbe le grammairien démontre la différence des tours passifs: l’homme est tué et la France est mal gouvernée qui dépend de la sémantique des verbes (terminatifs ou continus); il distingue deux participes, actif et passif, des verbes transitifs et intransitifs, etc. Toutefois son livre n’est pas exempt de graves défauts (ignorance totale de l’étymologie) et lacunes (absence de la syntaxe).

On donne à Meigret non sans raison le nom de fondateur de la grammaire française.

Ramus dans sa Gramere (1562) essaie d’envisager les faits connus d’une manière différente de celle de ses prédécesseurs: il substitue aux conjugaisons la division des verbes en deux classes suivant la voyelle de la racine (e / i), il supplante les modes par la notion de temps (impératif = second futur, subjonctif = second présent, etc.), il réunit dans le groupe d’adverbes d’autres mots invariables, tel interjection et préposition, il répartit les mots en deux classes suivant qu’ils connaissent ou non la catégorie de nombre, etc.

Les premiers grammairiens ont eu le mérite d’avoir posé le problème de l’usage (de la norme) qu’il faut suivre et celui d’avoir fait la description de cette langue sous différents points de départ et en proposant plusieurs classifications.

 

Le rôle du français littéraire

Ce rôle est profondément étudié et modifié par la Pléïade.

 

2. La théorie et activité linguistiques de la Pléïade.

Si, en 1539, après l’ordonnance de Villers-Cotterêts, la bataille du français est gagnée, il reste surtout à démontrer ses qualités, à les illustrer. Déjà depuis le début du siècle, les écrivains cherchent à donner à une littérature écrite en français ses lettres de noblesse. Plusieurs écrivains revendiquent en faveur de la langue populaire: Du Bellay, Ronsard, Rabelais, Montaigne, la défendant contre ceux qui refusent de l’utiliser à certaines fins en alléguant ses prétendues imperfections, sa pauvreté et l’absence des règles. Ayant reconnu le fait que le français n’est pas aussi parfait que le latin et le grec, et que le perfectionnement de la langue est la tâche des gens cultivés de l’État, les poètes se posent l’objectif de cultiver la langue française pour l’élever au rang  des langues antiques.

Tous les écrivains du XVIe s. sont bien persuadés des beautés de la littérature antique, grecque et latine; c’est en elle que l’on va chercher les arts poétiques, les ouvrages de réflexions sur l’écriture, la composition d’une oeuvre, son sujet. Grâce aux travaux d’édition des humanistes, ces textes théoriques latins et grecs sont lus et médités. Nourrie de la tradition antique, la littérature italienne des XVe et XVIe ss. apparaît comme un autre modèle pour les écrivains français.

Des poètes qui partagent une préoccupation commune – celle de cultiver le français et lui donner par la suite des règles comme on l’avait fait autrefois pour les langues anciennes se sont regroupés sous le nom de la Pléïade. Ce groupe de poètes dont les plus connus sont Du Bellay, J. A. de Baïf, Jodelle, Pontus de Tyard, J. Peletier du Mans, etc. se réunit autour de Ronsard, véritable chef de la Pléïade.

Une volonté première anime l’action des écrivains de la Pléïade: celle de redonner au français son lustre, d’en faire une langue littéraire à part entière afin de disposer d’un mode d’expression qui corresponde à une sensibilité culturelle. Les poètes de la Pléïade veulent montrer les capacités du français à devenir une langue poétique. Ils cherchent donc à enrichir le langage poétique en diversifiant les registres de vocabulaire. Ce travail suppose une parfaite connaissance des mécanismes par lesquels une langue évolue et s’enrichit effectivement; toute la reflexion humaniste depuis le début du siècle sur la philologie prépare ce travail. C’est au XVIe s. que naît ainsi et aussi la lexicologie française, le répertoire rassemblé par Robert Estienne pour son Dictionnaire françois-latin (1539).

 

3. «Deffense et Illustration de la langue françoyse».

Le désir de magnifier la langue française explique la publication du fameux pamphlet de Joachim Du Bellay, Deffense et illustration de la langue françoyse, l’oeuvre théorique la plus marquante de la Pléïade, paru en 1549, dans lequel Du Bellay affirme les principes novateurs. Un double programme y est exposé: d’un côté, Du Bellay s’oppose aux latiniseurs et helléniseurs qui méprisaient le français en lui-même;  d’autre côté, il faut, selon l’auteur du manifeste, illustrer la langue française en imitant les Anciens pour les égaler ou même les surpasser. Il s’agit donc de «défendre» la langue française en tant que grande langue littéraire à l’égale du latin ou de l’italien, et d’expliquer comment «l’illustrer» par de grands textes en langue française, dans le domaine de la poésie notamment. Il s’agit donc de doter le français d’un vocabulaire capable non seulement de rendre toutes les idées abstraites et toutes les nuances de sens possibles, mais aussi de nommer une multitude d’objets et inventions nouvelles.

L’imitation des antiques faite en langue maternelle est sa méthode première.

Dans son texte Du Bellay préconise, contre les défenseurs du latin, l’usage de la langue française en poésie.

Le perfectionnement du français poétique est présenté à l’époque sous l’aspect d’enrichissement lexical par:

 

A. La formation de termes nouveaux en créant de mots composés et dérivés (surtout avec des suffixes diminutifs) de sorte que les mots soient «moulez et façonnez sur un parton desja reçeu du peuple» (Ronsard P.): aigre-doux, à demi-front, porte-laine, chèvre-pied, etc.); mignonelette, doucelette, etc.

 

B. Les emprunts à la langue française des siècles passés (Du Bellay propose des mots tels que ajourner – faire jour; anuyter – faire nuit; l’ire la colère, rouer tourner, seugneuriser, déssommeiller, seulette, etc.). Les mots archaïques, selon les poètes de la Pléïade, confrèrent de la majesté au style.

 

C. L’emploi des termes spéciaux propres aux différents métiers, aux langages techniques de l’agriculture, de la chasse, de la marine, de l’orfèvrerie «pour tirer de là [de] belles comparaisons et vives descriptions» (Du Bellay).

 

D. Les emprunts à d’autres langues, aux parlers régionaux (par ex., un besson pour jumeau),  ou étrangères (grecque et latine notamment). Ils sont également conseillés, à condition que les mots choisis soient adaptés en français. L’origine latine des mots dialectaux les rend frères du français (avette abeille, etc.).

La doctrine lexicologique de la Pléïade donne libre cours à la création d’innombrables mots nouveaux. On crée des mots nouveaux par la dérivation ou l’emprunt au latin et au grec (exceller, fenestre, lyrique, stratagème, etc.). En même temps, les poètes de la Pléïade  inventent, en fabriquant des néologismes: d’un nom on fait un verbe (seigneur > seigneuriser, etc.), d’un adjectif ou d’un adverbe un nom (l’éternel, le bien, le frais des ombres, etc.), d’un adjectif un adverbe (il siffle aigu, il vole léger, etc.). Les écrivains de la Pléïade préconisent l’emploi de tours particuliers au latin, tels l’infinitif-nom (le mourir, le chanter, etc.), l’épithète composée (l’été donne-vin, etc.).

En même remps on insiste qu’il faut aussi démarquer le langage poétique de la langue courante.

Ce qui fait la vraie révolution littéraire de l’époque, ce sont les oeuvres directement nées des propositions exposées dans la Défense et Illustration de la langue française.

«Ruptures et inventions», certes, comme le proclament les poètes de la Pléïade, qui affirment la naissance, grâce à eux, d’une nouvelle littérature. Les poètes de la Pléïade inventent une nouvelle langue poétique. Du Bellay et les poètes de la Pléïade condamnent les genres poétiques médiévales (virelais, chansons, etc.) et demande l’imitation des genres en usage dans l’Antiquité, tels l’élégie, l’hymne, l’épopée, l’ode lyrique, la comédie et la tragédie, le sonnet. Ils condamnent les formes fixes, trop contaignantes, qu’ils appellent dédaigneusement les «épiceries». Ils s’adressent également aux Italiens auxquels ils emprunts le sonnet, qui connaîtra un développement considérable dans la poésie française. Quant aux modèles antiques ou italiens, l’imitation ne doit pas être servile: il faut les imiter pour rivaliser avec eux, afin de les surpasser en français.

Les poètes de la Pléïade ont le mérite d’une part de réunir en un seul manifeste les idées du temps. D’autre part, c’est à eux, surtout, que revient la gloire d’avoir immédiatement atteint une perfection et une réussite poétique. Du Bellay est le premier à mettre en application cette doctrine, en éditant, en 1549 et 1550, une série de recueils où il montre la variété de son inspiration; il pratique le pétrarquisme, se sacrifie à l’allégorie, s’exerce au genre noble de l’ode, s’essaie au sonnet à l’italienne.

Les théories linguistiques de l’époque ainsi que la pratique littéraire contribuent à la «défense et illustration» du français que les conditions historiques du développement économique et social élèvent au rang d’idiome national. Les grands écrivains de l’époque suivent ces conseils et créent quantité de mots nouveaux employant de différents procédés linguistiques. Avec Rabelais, c’est le règne de la création spontannée, d’un excès quiasiment anarchique. Avec la Pléïade (seconde partie du XVI s.), l’enrichissement de la langue devient plus raisonné. Montaigne marque le point d’équilibre, introduit la maturité. Agrippa d’Aubigné retombe parfois dans les outrances et l’archaïsme.

Aussi la mutation du français est-elle considérable tout au long du XVIe s.

 

4. La notion de la norme littéraire.

Le français accumule à l’époque les caractères d’une langue nationale qui perfectionne et normalise ses règles, en principe obligatoires pour tous ceux qui désirent s’exprimer en cette langue.

Dans ces conditions, la notion de norme littéraire au XVIe s. est toute particulière du fait que tout ce qui contribue à exprimer idées et faits est considéré digne de faire partie de la langue. Ainsi, tous les procédés d’enrichissement sont-ils reconnus bons et nécessaires, y compris les tours du langage parlé. Mais cet enrichissement ne va pas toujours sans excès.

Finalement, la norme littéraire se forme et s’impose progressivement pour triompher vers la fin du siècle. Et cette norme, elle se constitue à la Cour, car culturellement, la Cour est le lieu qui décide des goûts et des modes.

 

IV. La littérature.

L’admiration pour l’antiquité enrichit la pensée et l’art littéraire en France qui s’épanouissent au XVIe s. Tous les genres poétiques et ceux de la prose sont présents à l’époque et brillent d’un vif éclat.

La première moitié du XVIe s. voit les modes italiennes entrer en France et y faire triompher les goûts de la Renaissance italienne.

On cherche des voies nouvelles, en prose comme en poésie, sans condamner pour autant ce que les siècles précédents ont produit. La vraie rupture avec le moyen âge, ce sont les auteurs de la Pléïade qui la proclameront.

Le XVIe s. apparaît, dans le domaine de la littérature, comme marquée de contrastes, reflets des bouleversements politiques: le réalisme et lyrisme s’y côtoient; l’érudition et bon sens populaire fusionnent; la tolérance et intolérance s’y heurtent.

La littérature du XVIe s. est donc extrêmement variée, parce que tous les grands genres de la littérature moderne s’y mettent en place. La personnalité des auteurs, qui comptent parmi les plus grands de l’histoire littéraire française, ajoute à cette variété.

 

1. La prose.

Cette période de bouillonnement intense apparaît tout naturellement propice à l’épanouissement d’une littérature d’idées qui se propose de débattre des grands problèmes de l’homme. L’opposition entre protestants et catholiques provoque l’apparition d’une littérature religieuse. La complexité  de la situation politique explique la floraison d’ouvrages qui théorisent ou racontent les faits historiques. Enfin, dans le domaine scientifique, se fait jour une volonté de vulgarisation qui débouche sur l’élaboration de traités de plus en plus souvent rédigés en français.

Les genres narratifs au XVIe s. ne sont pas à négliger, mais leur évolution est significative. On assiste, d’une part, à un recul progressif du conte et de la nouvelle, récits caractérisés par leur brièveté et leur concision, au profit du roman, plus développé, plus complexe. On constate, d’autre part, un passage du réalisme au symbolisme: le conte «gaulois» évoquant l’amour sensuel cède peu à peu la place au roman sentimental privilégiant l’amour spirituel.

Cependant durant la première moitié du XVIe s., le goût médiéval pour les formes narratives brèves persiste et maintient la mode du conte, fortement teinté d’esprit «gaulois». Il tend, sous l’inflience italienne, à revêtir la forme de la nouvelle. L’Heptaméron de M. de Navarre marque l’apogée en France de ce genre alors triomphant. Le conte et la nouvelle constituent, durant cette période, les genres narratifs dominants.

C’est Rabelais qui, le premier, donne au conte ses lettres de noblesse.

François Rabelais (1483 ? – 1553) est un des plus grands génies de la Renaissance française. Il continue la tradition de grossièreté, de joyeux optimisme, de misogynie et d’anticléricalisme des contes, mais fait progresser la description, le dialogue, le portrait et la peinture d’un personnage, la composition et la mise en scène d’une courte anecdote. L’ancien esprit «gaulois» s’épanouit dans l’oeuvre de Rabelais. On dit que pour étudier le vocabulaire du XVIe s. il suffit de dépouiller l’œuvre de Rabelais. L’auteur des célèbres Pantagruel et Gargantua, F. Rabelais devance en pratique le manifeste de Du Bellay: son œuvre abonde en vocables nouveaux qu’il forme, en termes scientifiques, en mots dialectaux et en argotismes. Rabelais emprunte largement au lexique des artisans et des paysans. Il est un inventeur verbal, certainement l’un des plus doués de la littérature française.

En dehors de Rabelais, un seul nom s’impose dans le genre narratif, celui de Marguerite de Navarre, avec L’Heptaméron (publié en 1558). C’est un recueil de nouvelles qui subit l’influence du conte médiéval, mais aussi de la manière italienne. Cette forme narrative n’est cependant pas la seule présente.

Parallèlement à cette affirmation du conte, le roman chevaleresque connaît encore une grande vogue. On traduit, on adapte, on abrège en grand nombre les oeuvres romanesques françaises du Moyen Age.

Les Essais de Michel Eyquem de Montaigne (1533 – 1592) couronnent ce siècle d’études et de sciences. Ce philosophe fonde sagesse et art de vivre sur une vision sceptique du monde. Sa phrase est plutôt sobre sans prétention, sa syntaxe est claire et ordonnée bien que les phrases complexes y soient fréquentes. La diversité du style et de la langue de Montaigne est étonnante: la langue populaite et langue savante se côtoient; le patois gascon et termes tirés du latin cohabitent; l’humour et sérieux font bon ménage; le ton familier et ton tendu se succèdent.

 

2. Le théâtre.

Contrairement aux autres genres, le genre théâtral en France reste longtemps à l’écart du renouvellement que suscitent les influences antiques et italiennes. Aussi, durant une bonne partie du XVI e s., le théâtre demeure-t-il entre les mains de confréries qui continuent à cultiver les genres médiévaux. A la fin du siècle renaît l’affection d public pour le théâtre grâce à l’apparition du genre tragi-comique  et le développement considérable des troupes ambulantes.

Vers le milieu du XVI e s. dans le domaine théâtral la tragédie passe du latin au français,  la comédie, elle aussi est écrite en français.

La Pléïade, dans son désir de renovation des lettres françaises, s’intéresse au domaine théâtral. Après la génération de la Pléïade, le théâtre régulier influencé par l’Antiquité et les Italiens ne disparaît pas.

Les mystères, miracles, farces, moralités et sotties continuent à être représentés et à avoir les faveur du public, mais ils s’écartent progressivement de l’inspiration religieuse.

 

La comédie

Comme la tragédie, la comédie, préparée par le théâtre scolaire en latin, naît du refus du théâtre comique du Moyen Age et du désir de créer un genre nouveau, à l’imitation de la comédie latine. Mais, plus encore, elle se nourrit de l’imitation de la nouvelle comédie italienne, qui, à son tour est bâtie sur les comédies latines de Plaute et Térence.

Vers la fin du siècle, la comédie connaît un développement considérable. L’influence italienne continue à dominer dans les compositions. Parallèlement à la comédie littéraire, la farce médiévale continue à inspirer de nombreux auteurs.

 

La tragédie

La mode est à l’Antiquité dans tous les domaines. Fidèles aux principes de l’imitation de la Pléïade, les auteurs n’inventent pas leur sujets, mais les puisent dans la culture grecque, latine, italienne, fonds commun des intellectuels du temps. Les dramaturges s’inspirent de Sénèque pour la tragédie, mais sachant aussi parfois puiser leurs sujets dans la culture chrétienne par des emprunts à l’Ancien Testament.

La tragédie au XVI e s. a de réelles qualités d’écriture, mais un grand défaut: elle n’a pas trouvé son public. Elle est d’abord jouée dans les collèges, par les élèves eux-mêmes; elle peut donc être écrite en latin, pour ce public qui le comprend parfaitement. Lorqu’elle quitte le cadre scolaire, et qu’elle est écrite en français, elle reste le divertissement d’un petit nombre de gens.

 

3. La poésie.

 

Au XVIe s. il se produit une explosion poétique hors pair.

A la charnière du XVe s. et du XVI e s., de nombreux poètes prolongent la tradition médiévale. Parmi eux, on peut distinguer deux grandes catégories. Il y a d’abord des satiriques, à la langue savoureuse. Ce sont des continuateurs de Villon qui manient réalisme et ironie. Ce sont ensuite les grands rhétoriqueurs, qui s’efforcent  d’assurer la survie d’une écriture poétique fondée sur la virtuosité technique et sur la reprise parfois monotone des mêmes lieux communs.

Les années 1540 donnent le départ à une floraison poétique extraordinaire, dont les oeuvres de Du Bellay et Ronsard ne constituent qu’une manifestation particulère.

Les nouvelles formes de la poésie sont en vogue à l’époque (l’ode, la ballade, l’épopée, etc). La poésie italienne représente un grand apport nouveau, on s’inspire de Pétrarque, de Dante et de Bocace.

Clément Marot (1496 – 1544) apparaît comme le trait d’union entre les héritiers des grands rhétoriqueurs, et les tenants du lyrismes. Il compose ses premières oeuvres en se référant à l’Antiquité. Cl. Marot travaille aussi à inventer des genres nouveaux. C’est à lui que l’on doit le premier sonnet, l’élégie, l’ode. Introduit en France par Marot, le sonnet devient le genre fixe privilégié des poètes de Pléïade et, en particulier, de Du Bellay et de Ronsard. Avec Marot, l’humanisme commence à pénétrer la poésie française.

La deuxième moitié du siècle connaît un épanouissement extraordinaire de la poésie lyrique présentée par la Pléïade, qui privilégie les thèmes de l’amour, de la nature et de la fuite du temps. Les écrivains de la Pléïade reprennent les conceptions de Pétrarque. La Pléïade assure le triomphe d’une inspiration personnelle solidement appuyée sur une connaissance des ancêtres antiques, français et italiens.

L’époque de la Pléïade est dominée par P. de Ronsard avec la fécondité de son œuvre et l’extrême variété de ses poèmes: odes, sonnets, hymnes, élégies, discours, épopée.

Il fait de nombreuses imitations des poètes antiques: Pindare, Horace, etc. Ronsard publie en 1572 La Franciade: c’est le genre épique qu’il veut ainsi introduire en France. A la manière d’Homère dans l’Illiade et de Virgile dans l’Enéide, il entend composer un vaste poème qui retrace les origines et la destinée du peuple français. Mais, écrasé par la lourdeur de la tâche, il ne parviendra à rédiger que quatre livres.

A côté de termes archaïques, Ronsard sait utiliser les mots de son temps, créer une langue vivante et drue. Son effort pour créer des mots nouveaux, pour enrichir la langue, a contribué à forger un outil poétique efficace. Il a le génie du mot juste, du terme évocateur. Ronsard excelle surtout en sonnets.

Une poésie au contraire plus grave, ouvrant le chemin à la satire ou au didactisme, marquée par l’engagement, s’illustre en particulier avec Agrippa d’Aubigné. Son oeuvre témoigne d’une démesure véritablement baroque suscitée par la démesure des guerres de religion.

C’est également à cette époque que commence à se fixer la versification moderne, qui se libère des contraintes excesives des rhétoriqueurs de la fin du Moyen Age.

 

Questions ( * - questions demandant des reflexions)

 

I. 1. Quels sont les changements d’ordre économique, politique, social et culturel qui ont eu lieu au XVIe s.?

 

2. Les guerres d’Italie, comment se sont-elles répercutées sur la situation culturelle en France?

 

3. Pourquoi l’histoire littéraire et artistique associe au XVIe s. le mot «Renaissance»?

Qu’est-ce qui «renaît» au XVIe s.?

 

4. * En quoi consiste la doctrine humaniste?

 

5. Qu’est-ce qui est à l’origine des guerres de religion?

Quel document reconnaît la pluralité d’opinion et met fin aux guerres de religion?

Comment la Réforme participe-t-elle au déclin du latin?

Comment la Réforme participe-t-elle à l’essor du français?

 

II. 1. Quelle est la portée historique de l’ordonnance de Villers-Cotterets (1539)?

Quelles sont les événements qui ont contribué à promouvour le français à l’intérieur aussi bien qu’à l’extérieur du pays?

 

2. Comment et pourquoi l’Ordonnance de Villers-Cotterêts change-t-elle le contexte culturel et politique du royaume?

Comment le français pénètre-t-il dans l’enseignement?

Est-ce qu’au XVIe s. le français a battu les patois?

 

III. 1. Nommez les premiers grammairiens français.

Décrivez les premières tentatives de décrire la langue littéraire et écrite. Quels en sont les résultats?

A qui donne-t-on le nom de fondateur de la grammaire française? Pourquoi?

 

2. Dans le cadre de quel phénomène culturel s’inscrit-elle la théorie linguistique et la pratique littéraire de la Pléïade?

* Pourquoi selon les membres de laPléïade le français du XVIe s. n’est-il pas aussi parfait que le grec et le latin?

Les membres de laPléïade où voyaient-ils les modèles à suivre pou perfectionner le français?

 

3. Quel est l’apport des poètes de la Pléïade à l’enrichissement du vocabulaire du français littéraire et écrit?

Contre qui ou quoi faut-il «défendre» le français selon Du Bellay?

Comment faut-il «illustrer»le français selon Du Bellay?

Quelle est l’attitude Du Bellay à l’égard des Antiques?

Comment faut-il imiter les Antiques selon les poètes de la Pléïade?

 

4. Où voyait-on la base sociale de la norme?

 

IV. Pourquoi la littérature du XVIe s. est-elle extrêmement variée et souvent contraversée?

* Quelles sont les événements historiques sui ont exercé une grande influence sur lé’volution de la littérature et de ses genres au XVIe s.?

Quels genres littéraires sont en déclin au XVIe s.? Pourquoi?

Quels genres littéraires s’épanouissent au XVIe s.? Pourquoi?

Quels sont les plus illustres auteurs du XVIe s.? Citez leurs oeuvres.

1. Pourquoi dit-on que pour étudier le vocabulaire du XVIe s. il suffit de dépouiller l’œuvre de Rabelais?

 

 

Devoirs 

1. Prouvez que «L’humanisme est caractérisé par un culte passionné de l’Antiquité gréco-latine (1). Réhabilitation des textes (2), appétit de connaissance (3), développement de la réflexion (4), recherche du beau (5), tels sont les fondements d’une pensée qui a pour but l’épanouissement humain. Une foi nouvelle en l’homme apparaît.» 1, 2, 3 ; ....(voir I. 4.) 

2. Expliquez pourquoi l’humanisme est un phénomène européen. 

3. Voici l’article relatif à l’emploi de la langue française tiré de l’Ordonnance de Villers-Cotterets:

Art.111
        Et pour ce que telles choses sont souventes fois advenues sur l’intelligence des mots latins contenuz esd. arrestz, nous voulons que doresnavant tout arrestz, ensemble toutes autres procedures, soient de noz courtz souveraines ou autres subalternes et inférieurs, soient des registres, enquestes, contractz, commissions, sentences, testamens et autres qielzconques actes et exploictz de justice ou qui en deppenden, soient prononcez, enregistrez et delivrez aux parties en langage maternel fronçois et non autrement.

Donné à Villers Costeretz, au mois d’aoust, l’an de grace mil cinq cens trente neuf, et de notre regne le vingt cinquiesme.                                                signé: François

 

Trouvez  dans ce texte les convergences et les divergences d’avec le français moderne.

 

4. Considérez un extrait de l’ouvrage sur les «langues vulgaires» parlées à l’époque en France d’un humaniste du nom de Charles de Bovelles (1479 – 1553), l’un des pères de la Réforme française et l’un des plus grands philologues de la Renaissance. Dans son ouvrage, intitulé De differentia vulgarium linguarum et Gallici sermonis varietate («Des différentes langues vulgaires et variétés de discours utilisés dans les Gaules») (1533) l’auteur faisait remarquer: «Il y a actuellement en France autant de coutumes et de langages humains que de peuples, de régions et de villes». Il évoquait notamment les «peuples étrangers» que sont, selon lui, les Burgondes, les Francs, les Bretons, les Flamands, les Normands, les Basques et les «Germains cisrhénans». L’auteur soulignait la très grande diversité linguistique dans la France de son époque.

Pourquoi – les Gaules au pluriel?

Pourquoi ces peuples se rapportent-ils aux «étrangers»?

 

5. Présentez la théorie linguistique de la Pléïade et son activité dans ce domaine (voir III. 2,3). 

6. Présentez le programme de la pratique poétique créatrice exposé par J. Du Bellay dans «Deffense et Illustration de la langue françoyse» et par P.Ronsard dans son introduction à la «Franciade» (voir III. 3). 

7. Après avoir étudié les origines du mot «Pléïade» expliquer pourquoi un groupe de poètes du XVI s’est donné ce nom.

 «Pléïade»: C’est d’abord un nom de la mythologie qui désigne les sept filles du géant Atlas et de Pléion. C’est ensuite l’appellation donnée à une constellation qui aurait été formée par ces sept filles, métamorphosées en étoiles après leur suicide. C’est enfin le nom prestigieux que s’attribuèrent sept poètes grecs contemporains de Ptolémée Philadelphe (309-245 av.J.-C).

 

Cours théorique 10