L’ANCIEN FRANÇAIS: LA SYNTAXE. LE VOCABULAIRE
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L’Ancien français: la syntaxe. le vocabulaire.

 

L’objectif d’étude

Etudier les particularités syntaxiques de l’ancien français

Etudier les caractéristiques du vocabulaire de l’ancien français

 

L’apprenant doit savoir donner la définition des termes suivants: un groupe de mots, un déterninant, un déternimé, une phrase ( = une proposition complexe), une proposition juxtaposée, coordonnée, subordonnée; une couche lexicale, le fonds lexical = le vocabulaire, un vocable, la dérivation (propre, impropre), un suffixe, un préfixe, un affixe, la suffixation, la préfixation, la conversion, la substantivation, la dérivation régressive, l’emprunt, le substrat (celtique), le superstrat (germanique), un doublet étumologique

 

L’apprenant doit savoir:

Les traits particuliers et les principales tendances de la syntaxe de l’ancien français

Les grandes lignes de l’évolution du vocabulaire de l’ancien français

Les procédés de formations de mots nouveaux les plus productifs en ancien français

 

L’apprenant doit savoir faire:

 

Analyser les particularités syntaxiques de l’ancien français

Déterminer et analyser les voies d’enrichissement du vocabulaire 

Trouver les origines des procédés de formation des mots nouveaux

Etablir les origines (latines, celtiques, germaniques, etc.) des changements survenus ou se déroulant à cette époque

Expliquer les causes des transformations se produisant dans la syntaxe et le vocabulaire de l’ancien français

 

Plan.

I. Les traits particuliers de la syntaxe de l’ancien français.

II. Le vocabulaire de l’ancien français.

1. Les particularités du vocabulaire de l’ancien français.

2. La formation de mots nouveaux.

 

I. Les traits particuliers de la syntaxe de l’ancien français.

 

Le groupe de mots

Un groupe de mots est composé d’un terme déterminé (Dé), d’un déterminant (Dt) et, parfois, d’un terme de relation, préposition (prép.). Le Dé  joue le  rôle de noeud et dirige son Dt.

Les rapports qui existent entre les termes d’un groupe de mots en ancien français sont les mêmes qu’en français moderne, c’est-à-dire les rapports d’appartenance, de possession, de provenance, d’origine, d’agent, d’instrument, etc.

A la différence des époques précédentes (le latin vulgaire et le gallo-roman) ce qui change en ancien français c’est l’ordre des mots et le moyen de lier les termes du groupe de mots:

 

A. Dans le groupe de mots il se stabilise l’ordre des mots «français»: le déterminé – le déterminant, à la différence du latin où le déterminant précédait le plus souvent le déterminé, par ex. Deo amorem / l’amour de Dieu.

 

B. Les (deux) éléments du groupe de mots sont liés le plus souvent par une préposition (procédé analytique), à la différence du latin où les rapports synthaxiques étaient exprimés par des formes casuelles (flexions des noms = procédé synthétique), par ex.: Deo amorem / l’amour de Dieu.

 

La proposition

La plus importante caractéristique syntaxique de l’ancien français est l’absence de l’ordre des mots fixe. La déclinaison, initialement à six cas en latin, est passée à deux (sujet et complément). Donc, quoique fort réduit, le système casuel existe encore en ancien français. Ceci permet de disposer les mots dans un ordre plus libre qu’en français moderne, le sujet peut se situer après le verbe, puisqu’on le reconnaît à sa terminaison casuelle.

La structure de la proposition simple peut être présentée, d’après ses termes composants, comme constituée d’un sujet, d’un verbe (prédicat) et d’un complément (complément d’objet direct, indirect ou circonstantiel). Chez L.Foulet, nous trouvons des combinaisons possibles de cette structure relevées dans les anciens textes:

Les variétés de la disposition des termes principaux dans la proposition simple.  

 1) sujet – verbe – complément

 4) verbe – sujet – complément

 2) sujet – complément – verbe

 5) verbe – complément – sujet

 3) complément – sujet – verbe

 6) complément – verbe – sujet

 

Quelles que soient ces variétés,  en ancien français  on atteste une forte tendance à fixer l’ordre des mots direct (progressif).

 

La phrase

L’ancien français tend à développer la subordination, à la différence du gallo-roman qui manifestait une prédilection à une proposition simple ou phrase de coordination. Le développement des relations de subordination favorise, à son tour la formation d’un riche système de conjonctions de subordination.

Les relations entre les propositions composant une phrase de subordination s’expriment en ancien français à l’aide des conjonctions de subordination qui traduisent les valeurs de lieu, de cause, de temps, etc. (subordonnées circonstancielles) et à l’aide de pronoms relatifs (subordonnées relatives ou interrogatives).

Il y a des conjonctions de subordination simple: quant (quand), come (comme), que, si et composées avec que ou come: por que, por ce que, tant que, si que, puis que, jusque, ainz que, com que, etc. Le premier élément de la conjonction  composée est  une préposition ou un adverbe; la préposition se joint ordinairement à l’aide du démonstratif ce (por ce que, etc.), l’adverbe se joint directement (ainz que). Les relatifs employés en ancien français comme copulatifs des subordonnées sont: qui, quel, li quel, etc. 

 

II. Le vocabulaire de l’ancien français.

1. Les particularités du vocabulaire de l’ancien français.

Le latin vulgaire et son successeur – le gallo-roman ont connu un certain appauvrissement du lexique par rapport au latin classique. L’ancien français par contre s’enrichit progressivement.

Le fonds lexical de l’ancien français est constitué de trois couches essentielles:

– le fonds latin (fonds lexical primitif);

– le substrat celitique;

– le superstrat germanique.

Il est tout à fait évident que la couche latine représente l’essentiel du vocabulaire de l’ancien français, les mots d’origine latine désignant les objets, les actes et les notions indispensables à la vie quotidienne: femme, ome, pere, mere, citet, mansion, soleil, vent, fier, bel, etc.

Les vocables celtiques et germaniques sont de beaucoup moins nombreux, se rapportant à des domaines restreints et spécialisés. Les mots d’origine celtique s’attachent à l’activité des paysans, à la campagne: charrue, soc, etc. Les Francs, peuple à l’esprit guerrier, ont fourni surtout le lexique militaire (guarder, hache, fleche, orgoil, honte, hardi, etc.).

 

Les particularités du vocabulaire de l’ancien français:

 

A. A la différence du latin populaire et du gallo-roman qui ont éliminé la plus grande partie du vocabulaire abstrait, le développement de la scolastique et surtout l’épanouissement de la littérature courtoise en ancien français appellent la création d’un nouveau vocabulaire abstrait.

 

B. Le vocabulaire de l’ancien français se caractérise par une synonymie exceptionnelle.

 

2. La formation de mots nouveaux.

 

Le vocabulaitre de l’époque s’enrichit par:

– la dérivation propre (surtout à partir du XIIe s.) et impropre;

– l’évolution du sens des vocables;

– l’emprunt.

A part les procédés synthétiques de la formation des mots nouveaux L. M. Skrélina distingue les mots formés à la base des constructions analytiques. Ce sont en premier lieu les adverbes nés d’une conjonction et d’un nom: a + menteresse «menteuse» > a menteresse «faussement»,  a + cop coup > a cop «tout de suite». Dans la classe des verbes il existe un nombre assez important de verbes analytiques qui se forment à l’époque: avoir coer, avoir paour, faire esfors, prendre fin, etc.

 

La dérivation 

 

La dérivation propre

Cette voie d’enrichissement est la plus féconde en ancien français, surtout la suffixation.

Les principaux suffixes pour former les substantifs sont les suivants: -age, -aison, -ance, -ement, -eüre, -aille, -erie, -ise, -or, -our, -ier. Pour former le féminin des noms la langue recourt aux suffixes -esse, -issa, -eresse:  duchesse, grassesse, demanderesse, etc. Les suffixes -eis, -ois ajoutés au nom du pays ou de la ville forment les noms de leurs habitants: franceis, sarraguceis, etc.

Il existe plusieurs suffixes synonymiques qui s’ajoutent presque indifféremment à un même radical: parlance, parlement, parlerie, parleuse, etc. Le lecteur contemporain n’arrive pas à saisir toutes les nuances de sens de ces synonymes, qui sont incontestablement évidentes pour le Français de l’époque.

Les suffixes en ancien français sont polysémantiques, par ex.,  le suffixe -erie peut désigner: 

 1) un métier: archerie;

 5) le sens collectif: armurerie;

 2) une couche sociale: chevalerie;

 6) une action: avoërie;

 3) une qualité: legerie;

 7) un état: bachelerie.

 4) un lieu: banquerie;

 

 

L’ancien français tout comme le latin vulgaire marque une vive prédilection pour les suffixes diminutifs -on, -el, -et: tronçon, chaton, fablel, chapel, oiselet, oisillon, floret(te), etc.

Les suffixes les plus usités du vebre sont ceux du premier groupe -er, -ier, etc.

L’affixe le plus productif pour former les adverbes reste le suffixe -ment: gran(d)ment, doucement, etc.

La préfixation caractérise surtout le verbe. Il existe toute une variété de préfixes avec de différentes nuances: a-, es-, re-, for-, por-, sor-, sur-, mes-, en-, des-, etc.

Notons aussi  la formation de dérivés parasynthétiques qui est propre surtout aux verbes: anuitier, enorgueillir.

 

La dérivation impropre

La dérivation impropre peut être présentée sous deux aspects: la dérivation régressive et la conversion.

La dérivation régressive c’est la formation de mots nouveaux sans suffixes: arest < arester, acointe <  acointier, regart < regarder, etc.

La conversion c’est le passage du mot d’une catégorie grammaticale à une autre. Ce sont surtout les substantifs qui se forment par la conversion à partir des infinitifs correspondants (la substantivation): li plorers, le dormir, le perdre, etc.  Parfois les infinitifs se substantivisent définitivement et sont supplantés par d’autres formes: plaisir >  le plaisir – plaire, etc.

 

La composition

Ce moyen de formation des mots nouveaux n’est pas très répandu en ancien français: adieu, maleür, petit-fils, gentilhomme, chevrefeuille, etc. Les composés dont le deuxième élément est un nom propre survivent dans les noms de lieu: Bourg-Sainte-Marie, Bois-l’Evêque, etc. 

 

L’évolution du sens des vocables

Le sens du mot ne reste pas toujours le même, il évolue.

Le mot peut élargir son sens primitif: considérer (sens abstrait) < «observer des astres» (sens concret) (lat.), talent < «une unité monétaire» (lat.). Il peut le rétrécir: sevrer «séparer» >  «séparer le bébé du sein».

En ancien français les cas du glissement du sens des mots sont très nombreux. Par ex., le nom propre désignant le peuple – les Francs devient un nom commun, c’est l’adjectif franc qui signifie «libre».

 

L’emprunt

Quant au nombre d’emprunts il est relativement faible.

A l’époque la source essentielle de l’emprunt devient le latin, langue de l’administration et de l’enseignement, de la science et du culte.

La coéxistence du latin et du français rend l’emprunt plus facile. En plus, les scribes, les clercs sont bilingues, ils se servent de deux idiomes, ce qui contribue aussi à la pénétration des vocables latins en français. Les premières traductions du latin en français facilitent, elles aussi, le contact des deux langues.

Les emprunts les plus archaïques sont des mots d’église, remontant à la langue grecque: apostre, evesque, virginitet etc.

Le développemnt de la science fait apparaître les mots du langage de la médecine, du droit, de la rhétorique: dilatation, excessif, opposition, spirituellement, spectacle, etc.

La forme phonique des emprunts latins fait voir le caractère savant de ces mots: ils n’ont pas passé par l’évolution phonétique qu’ont subie les mots du fonds primitif. Cela explique leur aspect phonétique qui est étranger à celui des vocables de l’ancien français. Par exemple, les consonnes intervocaliques latines ont disparu au cours de l’évolution phonétique: vita > vie, tandis que dans les mots savants elles se maintiennent: vital. La consonne c est palatalisée dans les vocables primitifs: caput > chief, mais dans les mots savants cette transformation phonétique n’a pas eu lieu: cavalier. La seule assimilation que l’on observe dans les emprunts récents au latin c’est le déplacement de l’accent sur la syllabe finale: càlicis > calìce.

A la suite de l’emprunt au latin, il se forme en ancien français deux séries parallèles de vocables: les mots dits savants et  les mots d’origine populaire. Ce phénomène s’explique par le fait qu’un mot remontant au latin et faisant partie du fonds primitif du français reçoit en ancien français et surtout en moyen français son doublet étymologique. Cela veut dire que le même vocable pénètre une deuxième fois dans la langue, mais cette fois-ci sous sa forme latine, sans passer par l’évolution phonétique des Ve – VIIIe ss.

Ce n’est pas seulement la forme phonique qui diffère les doublets étymologiques de leurs confrères populaires. La signification des mots d’origine populaire est plus concrète, tandis que le sens des mots dits savants est le plus souvent abstrait ou scientifique: (h)ostel – (h)ospital, avoué – advocat, etc.

On trouve les doublets étymologiques même parmi les suffixes: -aison et -ation qui remontent au même suffixe latin -ationem. De même: -ale(m) a donné deux suffixes: -el d’origine populaire et -al  d’origine savante.

L’épanouissement de la littérature courtoise en Provence fait pénétrer au nord de l’ancienne Gaule les mots d’origine provençale: abeille, balade, cabane, cap, salade, etc.

Les Croisades apportent un certain nombre de mots arabes et persans: tasse, alchimie, caravane, échecs, etc. Au total le français emprunte à la langue arabe quelque 270 mots: alambic, amiral, arsenal, avarie, azur, calibre, camphre, coton, douane, gazelle, goudron, hasard, jupe, magasin, matelas, nuque, orange, raquette  sirop, sucre, tambour, zénith, zéro, etc. 

Les Arabes avaient repris l’héritage grec tombé en quenouille et, par l’intermédiaire du latin médiéval et de leurs nombreux savants et intellectuels, ont transmis à l’ancien français des mots arabes scientifiques, en particulier du domaine de la médecine, de l’alchimie, des mathématiques et de l’astronomie: al-gabr ar. > algèbre fr., sifr ar. > chiffre fr.

Les descendants des Vikings ont apporté quelques mots du domaine de la mer: la maîtrise de la navigation sur mer: cingler, crique, carlingue, homard, flotte, narval, quille, vague,  viking, etc., ainsi que certains mots de la langue commune: duvet,  édredon, geyser, guichet, flâner, girouette, joli, marquer, regretter , étrave, etc.

 

Questions ( * - questions demandant des reflexions)

 

I. Lesquelles de ces six combinaisons syntaxiques de l’ancien français établies par L.Foulet ne retrouvons-nous plus en français moderne?

Quels sont les changements dans la syntaxe qui sont caractéristiques seulement à l’ancien français?

Quels sont les changements dans la syntaxe qui représentent l’évolution des transformations débutées en latin vulgaire ou en gallo-roman?

Quels sont les changements dans la syntaxe qui se sont achevées en ancien français?

Quels sont les changements dans la syntaxe qui vont encore évoluer?

Par quoi le groupe de mots en ancien français se distingue-t-il de celui du latin vulgaire et du gallo-roman?

Quels type de phrase privilégie l’ancien français? Pourquoi?

Le sustème de conjonctions de subordination s’enrichit-il? Avec quoi cela est-il lié?

Pourquoi en ancien français l’ordre des mots quoiqu’il tende à devenir direct et fixe reste toutefois relativemant libre?

 

II. Quels sont les particularités du vocabulaire de l’ancien français?

Quels sont les voies et procédés de création de mots nouveaux?

Pourquoi l’ancien français emprunte-t-il beaucoup au latin?

Qu’est-c’«un doublet étymologiques»? Quelles en sont les caréctéristiques phonétiques et lexicales?

Quels sont les changements dans le vocabulaire qui sont caractéristiques seulement à l’ancien français?

Quels sont les changements dans le vocabulaire qui représentent l’évolution des transformations débutées en latin vulgaire ou en gallo-roman?

Quels sont les changements dans le vocabulaire qui se sont achevées en ancien français?

Quels sont les changements dans le vocabulaire qui vont encore évoluer?

 

 

Devoirs 

1. Définissez:un groupe de mots, un déterninant, un déternimé, une phrase ( = une proposition complexe), une proposition juxtaposée, coordonnée, subordonnée; une couche lexicale, le fonds lexical = le vocabulaire, un vocable, la dérivation (propre, impropre), un suffixe, un préfixe, un affixe, la suffixation, la préfixation, la conversion, la substantivation, la dérivation régressive, l’emprunt, le substrat (celtique), le superstrat (germanique), un doublet étumologique. 

2. Comment les événements extérieurs ont-ils influencé l’évolution du vocabulaire de l’ancien français? Donnez des exemples. 

3. Précisez les origines (latines, celtiques, germaniques) des changements survenus ou se déroulant à cette époque.